logo

Avec FireChat, les Irakiens communiquent même sans Internet

Une application pour smartphone développée essentiellement pour “chatter” lorsqu’il n’y pas de réseau internet, comme dans un avion ou un métro, s’est révélée très utile en Irak et en Iran, où les autorités restreignent l’accès au Web.

C’est en train de devenir l’application indispensable dans les pays où les autorités restreignent l’accès à l’Internet. FireChat permet, en effet, d’échanger des messages en temps réel depuis son smartphone même lorsqu’il n’y a plus de réseau mobile ou internet. Privés d’accès à certains réseaux sociaux très populaires comme Facebook, Twitter ou YouTube, les Irakiens sont actuellement très friands de cette application développée par la start-up californienne Open Garden et lancée début avril. Depuis une semaine, ils sont même devenus les plus importants utilisateurs après les Américains.

“Il y a eu 40 000 téléchargements de FireChat recensés en Irak en une semaine”, assure Christophe Daligault, vice-président d’Open Garden, contacté par FRANCE 24. Mais il y en a probablement eu davantage, suppose ce Français installé aux États-Unis depuis plus de 20 ans. Ce chiffre ne tient, en effet, pas compte de ceux qui utilisent des VPN (Virtual private network) pour récupérer l’application. Pour contourner la censure ou les restrictions à Internet en Irak, certains ont recours à ces logiciels permettant de masquer le lieu réel de la connexion.

Comment s’échanger des messages lorsqu’il n’y a pas de réseaux (internet ou mobile) ou qu’il est difficile de s’y connecter ? La solution de FireChat est d’utiliser “d’autres véhicules de transports de données qui existent sur les terminaux mobiles”, explique Christophe Daligault. L’un des principaux moyens utilisés par FireChat est alors de passer par le Bluetooth. Le téléphone de chaque utilisateur de l’application d’Open Garden se transforme, le temps de la discussion, en une sorte de relais ambulant d’un réseau local de communication.

Impossible à bloquer

Une fois téléchargée, FireChat permet, ensuite, d’ouvrir des groupes de discussion auxquels on se connecte de manière anonyme. En une semaine, 7 000 groupes ont été créés en Irak sur un total de 75 000 actifs dans le monde. Dans ce pays, où les combats entre islamistes radicaux de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le pouvoir, font rage, “cela peut être utile pour prendre des nouvelles de ses voisins ou de se tenir informé de ce qui se passe alentours”, estime Christophe Daligault. Mohammed, un Irakien contacté par le quotidien britannique “Financial Times”, s’en sert pour relayer l’évolution de la situation dans la province très contestée de Diyala, à la frontière de l’Iran, où il habite.

Le principal avantage est que FireChat ne peut pas être bloquée. “C’est indestructible, car cela fonctionne même quand il n’y a pas Internet, et il n’y pas de point d’accès central qui pourrait être coupé”, affirme Christophe Daligault.

Son principal inconvénient est que le Bluetooth n’offre pas le même confort qu’une connexion internet traditionnelle. Il faut être au maximum à 70 mètres d’une autre personne connectée à FireChat pour profiter de son réseau. Mais comme chaque utilisateur sert de relais - comme autant d’antennes de points d’accès - la couverture peut rapidement s’étendre dans des zones densément peuplées si un grand nombre de personnes disposent de l’application. C’est ce qui semble s’être passé dans la capitale irakienne. “50 % des téléchargements de FireChat ont eu lieu à Bagdad et 50 % ailleurs dans le pays”, précise Christophe Daligault.

De “Games of Throne” à l’Irak

Par ailleurs, anonyme ne veut pas dire privé. En fait, n’importe qui peut se connecter à un groupe de discussion à condition d’avoir l’application. Il n’est pas nécessaire de disposer d’un mot de passe ou d’une invitation pour prendre part aux débats. “Ce n’est pas un outil adapté, par exemple, pour discuter de sujets sensibles ou secrets”, prévient Christophe Daligault.

Les Irakiens ne sont pas les premiers à avoir découvert les vertus de FireChat lorsque les autorités menacent de restreindre l’accès aux Web. Ce sont les Taïwanais. Ils en ont compris l’utilité lors des manifestations estudiantines de mars-avril 2014. “Les leaders du mouvement, craignant que le pouvoir coupe l’accès à Internet, ont appelé les manifestants à télécharger notre application au cas où”, se souvient Christophe Daligault.

Ensuite, les Iraniens se sont jetés sur FireChat lorsque Téhéran a décidé d’interdire le service de messagerie instantanée WhatsApp début mai. “Il y a six semaines, on s’est ainsi aperçu que l’Iran était devenu le deuxième pays où notre application était la plus utilisée”, souligne Christophe Daligault.

Open Garden n’avait absolument pas anticipé la popularité de leur application dans ces pays. “C’est une vraie surprise, notre idée est avant tout d’offrir un moyen de communiquer dans des situations où la connexion aux réseaux est difficile voire impossible comme dans le métro, l’avion ou encore lors de festivals de musique”, explique Christophe Daligault.

Et jusqu’à l’épisode taïwanais, FireChat semblait surtout intéresser les “early-adopters*” technophiles. Les groupes de discussion les plus actifs concernaient la série télévisée “Games of Throne”, les rumeurs autour du prochain iPhone ou l’actualité des jeux vidéo.

*: terme désignant les personnes enclines à tester avant tout le monde les dernières innovations technologiques.