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Affaire Karachi : le financement de la campagne de Balladur renvoyé en procès

Six personnes ont été renvoyées en correctionnelle dans le volet financier de l'affaire Karachi. Toutes sont soupçonnées d'avoir mis en place dans les années 1990 un vaste système de corruption, destiné à financer la campagne de Balladur en 1995.

Les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire ont donc tranché. Après plus de trois ans d’enquête, ils ont décidé de signer l’ordonnance permettant le renvoi en correctionnelle des principaux protagonistes dans le volet financier de l’affaire Karachi. Les deux magistrats semblent avoir acquis la certitude qu’un système de corruption a bien été mis en place dans les années 1990, en marge de la vente de contrats d’armements au Pakistan et à l’Arabie saoudite. Le but : financer la campagne d’Édouard Balladur de 1995.

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Au total, six personnes seront sur les bancs des prévenus pour répondre entre autres des chefs d’accusation de "recel d’abus de biens sociaux", de "fraude fiscale" et de "blanchiment de fraude fiscale". Il s’agit de Nicolas Bazire, membre du conseil d'administration et du comité exécutif de LVMH, Ziad Takkieddine et Abdul Rahman el-Assir, deux hommes d’affaires franco-libanais, Thierry Gaubert, l’ancien conseiller au ministère du Budget de Nicolas Sarkozy, Renaud Donnedieu de Vabres, ex-conseiller de François Léotard, et Dominique Castellan, l'ancien PDG de la branche internationale de la direction des constructions navales (DCN-I).

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Édouard Balladur et François Léotard seront absents, mais ils pourraient devoir s'expliquer devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à enquêter sur les faits commis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Une décision sur ce point est attendue d'ici un mois, a indiqué une source proche du dossier. Les juges parisiens estiment que les éléments de l'enquête rendent par ailleurs nécessaire l'audition par cette Cour de Nicolas Sarkozy, comme témoin assisté. Ce dernier était en effet ministre du Budget - et porte-parole de la campagne d'Édouard Balladur - lors de la conclusion des contrats.

"Réseau K"

Dans cette complexe affaire Karachi, les juges Van Ruymbeke et Le Loire semblent convaincus qu'une partie des commissions perçues dans la vente de sous-marins au Pakistan (contrat Agosta) et à l’Arabie saoudite (contrat Sawari II) par l'intermédiaire de Ziad Takieddine a servi à financer la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995, via un système de rétrocommissions. Tout ce complexe montage financier avait pris vie sous l’appellation "réseau K" (pour "King", une référence au roi saoudien). Un réseau qui aurait aussi permis de renflouer les caisses du parti de François Léotard, le Parti républicain, en pleine déconfiture financière.

L'une des hypothèses envisagées est que la fin du versement des commissions au réseau K aurait provoqué l'attentat de Karachi, le 8 mai 2002, en représailles contre la France. Cet arrêt avait été ordonné par Jacques Chirac en 1996, averti par Dominique de Villepin, son secrétaire général, que ce flot d’argent avait pu profiter à son rival Balladur.

Quinze personnes avaient été tuées au cours de cet attentat, dont onze ouvriers français construisant des sous-marins. Lors de leur enquête, les deux magistrats ont découvert que 20 millions de francs (3 millions d'euros) avaient été versés en espèces sur le compte de campagne d’Édouard Balladur, dont 10 millions au lendemain du premier tour. À l’époque, l'ex-Premier ministre avait invoqué des ventes de gadgets et de T-shirts lors des meetings pour expliquer ce versement au Conseil constitutionnel, qui examinait ses comptes.

Avec AFP et Reuters