Les autorités centrafricaines ont suspendu, lundi 2 juin, les envois de textos en Centrafrique, invoquant "des mesures de sécurité". Une décision jugée illégale et même dangereuse par nombre d'habitants.
Exit les textos en Centrafrique. Pour couper court aux appels à la révolte, relayés par SMS, les autorités ont en effet suspendu, sur l’ensemble du territoire et pour une durée indéterminée, l’envoi des messages via téléphones portables. Mais nombreux sont les Centrafricains qui, à l’instar de Joseph Bindoumi, un habitant du quartier Combattant de Bangui qui préside la ligue centrafricaine des droits de l’Homme, considèrent cette initiative comme dangereuse.
"Je suis en mesure de sortir de chez moi mais je peux être victime d’une attaque terroriste à tout moment. D’habitude, je ne suis pas très inquiet car je sais que mes compatriotes seront prévenus à temps, mais là, avec le blocage des SMS, je me sens moins protégé", explique-t-il à FRANCE 24.
Bien que les appels téléphoniques continuent à fonctionner, Joseph Bindoumi regrette de ne plus pourvoir communiquer via SMS, une méthode très populaire en Centrafrique. "Un SMS c’est pratique, on le reçoit, on le lit, on le partage, on touche plus de gens comme ça", explique-t-il. C'est cette facilité à diffuser massivement les messages qui a provoqué l’ire du gouvernement.
Le blocage est en effet intervenu après l’envoi à un grand nombre de Centrafricains d’un SMS d’appel à la grève générale. Rédigé le 2 juin, à l’initiative du "Collectif Centrafrique debout", il indiquait : “Ville morte à partir du 5 juin, pas de bar, d'école, de boulot. Restez chez vous jusqu'au désarmement. Partagez, SVP." Cette action avait pour but de dénoncer les violences interconfessionnelles à Bangui et exiger le désarmement des milices, notamment dans le quartier musulman de PK5.
"Le problème de l’insécurité à Bangui n’est pas du aux SMS"
Le pouvoir, échaudé par la crise que traverse le pays, et notamment par les violences survenues le 30 mai lors de manifestations contre les autorités, a réagi à ce flot de messages de façon excessive, d’après Joseph Bindoumi. "Cette mesure est illégale. J’ai adressé une lettre au ministre de la Communication afin qu’il la supprime immédiatement. La situation dans le pays est très très menaçante".
Pour Prospert Yaka Maïde, journaliste centrafricain basé à Bangui, cette décision est digne d’une "dictature". "Il n’y a eu aucune consultation, le gouvernement a décidé cela de manière unilatérale", explique-t-il à FRANCE 24, ajoutant que son travail de journaliste se trouve largement entravé par le blocage. "Les SMS que nous envoyons sont à titre privé. Cela n’a rien à voir avec une quelconque révolte. Le problème de l’insécurité à Bangui n’est pas dû aux SMS. On n’avait déjà pas la liberté de circuler, ni de bien manger, ni de se faire soigner. Désormais, on n’a plus la liberté de communiquer entre nous. Qu’est-ce qu’il nous reste exactement ?"
Des appels à la grève "qui perturbent tout le monde"
Selon Silla Semballa, professeur de biochimie et de biotechnologie à l’université de Bangui, les autorités ont fait les choses dans le désordre : "Il aurait fallu qu’elles identifient au préalable les numéros des personnes à bloquer, au lieu d’attribuer cette mesure à tout le monde".
Néanmoins, l’enseignant, qui affirme se sentir en sécurité et ne pas se servir de ce mode de communication, rejoint le gouvernement sur le fond. "Se lever le matin et recevoir un SMS appelant à la grève générale, cela perturbe tout le monde", explique-t-il, précisant avoir installé, sur son smartphone, un système qui permet de bloquer les messages envoyés par des numéros inconnus. "Le pays a trop de problème pour supporter les appels à la grève, il faut qu’on se mette au travail pour arrêter la révolte".