
Au lendemain de l'instauration de la loi martiale, censée régler la crise politique en Thaïlande, l'armée a annoncé une rencontre inédite entre les deux camps rivaux. Elle a également empêché le gouvernement intérimaire de se réunir.
Au lendemain de l'instauration de la loi martiale en Thaïlande, l'armée a annoncé mercredi 21 mai la tenue d'une réunion inédite entre les deux camps politique rivaux, dans l'espoir de trouver une issue à la crise. D'autant que les militaires, qui n'ont de cesse d'assurer qu'il ne s'agit pas d'un coup d'État, sont sous pression de la communauté internationale pour une levée rapide de cette loi martiale. La situation actuelle fait craindre pour la démocratie, dans un pays qui a déjà connu 18 putsch en un peu moins d'un siècle.
Les militaires ont laissé au pouvoir le gouvernement intérimaire, très fragile, en place depuis la destitution début mai de la Première ministre Yingluck Shinawatra. Pour autant, le gouvernement ne semblait pas mercredi totalement libre de ses mouvements. Selon l'un de ses responsables cité par l'AFP, les membres de l'exécutif ont été empêché mercredi d'utiliser leur QG de crise, où ils se réunissaient depuis plusieurs mois, depuis que leur siège habituel est bloqué par les manifestants.
Investie de nouveaux pouvoirs, l'armée a en outre imposé une censure des médias et annoncé mercredi de nouvelles restrictions. Il y a désormais 14 chaînes de télévision privées d'antenne et il est interdit à tous les médias de citer tout commentaire politique ne venant pas de responsables officiels.
La loi martiale pourrait durer, Human Rights Watch évoque un coup d'État
L'armée n'a pas indiqué combien de temps serait appliquée la loi martiale, mais a laissé entendre qu'elle pourrait durer.
La situation "doit être résolue rapidement, avant que je ne prenne ma retraite (fin septembre, NDLR), sinon je ne prendrai pas ma retraite", a ainsi prévenu l'influent chef de l'armée de terre Prayut Chan-O-Cha lors d'une réunion mardi avec des représentants du gouvernement, selon des propos rapportés par un responsable militaire.
Inquiète, la communauté internationale a de son côté appelé les autorités militaires à respecter les principes démocratiques. "Nous voulons voir un retour rapide d'une démocratie complète en Thaïlande et le respect des institutions démocratiques", a ainsi déclaré Danny Russel, secrétaire d'État américain adjoint chargé de l'Asie de l'est. Les États-Unis, alliés militaires de Bangkok, ont toutefois jugé qu'il ne s'agissait pas d'un coup d'État.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé toutes les parties "à exercer la plus grande retenue, à s'abstenir de toute violence et au respect total des droits de l'Homme".
Les défenseurs des droits de l'Homme, eux, sont allés plus loin. La loi martiale "est en réalité un coup d'État qui menace les droits de l'Homme de tous les Thaïlandais", a dénoncé Human Rights Watch, critiquant en particulier les violations de la liberté de la presse.
Les manifestants des deux camps mobilisés
Depuis la dissolution du Parlement en décembre, le gouvernement ne peut qu'expédier les affaires courantes. Depuis près de sept mois, les manifestations entre ses opposants et ses partisans ont fait 28 morts et des centaines de blessés.
Les opposants, les chemises jaunes, réclamaient la tête de Yingluck Shinawatra et la fin de l'influence de son frère Thaksin, ancien Premier ministre renversé par un coup d'État en 2006 désormais en exil.
Malgré la récente destitution de Yingluck Shinawatra par la Cour constitutionnelle, les manifestants ne sont pas rentrés chez eux, réclamant toujours un Premier ministre "neutre", qui selon eux, devrait être nommé par le Sénat.
Les chemises rouges, pro-Thaksin, étaient également toujours réunies mercredi dans une banlieue de Bangkok.
La présence dans la capitale de ces forces rivales fait craindre de nouvelles violences dans un pays qui vit depuis le putsch de 2006 au rythme des manifestations des masses défavorisées du nord et du nord-est, fidèles à Thaksin, et de ses ennemis, proches des élites de Bangkok. Le dernier épisode avait fait plus de 90 morts et 1 900 blessés en 2010. Les chemises rouges avaient alors occupé le centre de la capitale pendant deux mois, avant un assaut de l'armée.
Avec AFP et REUTERS