
Le Brésil accueille, mercredi et jeudi, un sommet inédit consacré à la gouvernance de l'Internet. Ce "NETmundial" veut être le premier rendez-vous international pour tirer les leçons des révélations d'Edward Snowden sur la NSA.
Deux jours pour tenter de définir la gouvernance du Net, dans un monde ébranlé par les révélations de l'ex-consultant de la NSA Edward Snowden sur le cyberespionnage à l'américaine : tel est l'objectif de ce "NETmundial". Des représentants de 87 pays, avec parmi eux, la Française Axelle Lemaire, nouvelle secretaire d'État au Numérique du gouvernement Valls, ont accepté de répondre à l'invitation de la présidente brésilienne Dilma Roussef.
C'est le premier sommet inter-étatique sur la question depuis le début, à l'été 2013, de la déferlante des révélations sur l'étendue des capacités d'interceptions de communications électroniques des services de renseignements américains. Ces rencontres entre représentants d'États, universitaires, cyber-activistes et multinationales du Net ont pour objectif de trouver un compromis sur les grands principes devant régir la circulation des informations sur le Web.
À cette fin, le Brésil a mis sur la table un document préliminaire de travail pour cadrer les débats. De quoi nourrir les premières passes d'armes. Ainsi, certains régimes autoritaires comme la Chine, la Russie ou l'Ouzbekistan veulent qu'après le sommet, l'ONU s'empare davantage des questions de gouvernance du Net. Cette proposition de transfert de compétences déplait à un autre bloc de pays - États-Unis, Australie et certains États européens - pour qui ces questions devraient relever d'une entité indépendante de l'influence des États, ce qui n'est pas le cas des Nations unies.
Tour de Babel d'intérêts divergents
Ces divergences fondamentales revèlent toute la complexité d'un tel sommet, où s'affronte la vision d'États revanchards victimes de l'espionnage de la NSA, de pays où l'Internet est sous contrôle (Chine), ou encore de groupes privés soucieux que rien ne viennent entraver leurs affaires.
Pour certains, cette tour de Babel d'intérêts divergents risque de se conclure par de grandes déclarations d'intention, sans réelles avancées concrètes, notamment sur les questions soulevées par les révélations d'Edward Snowden. "Le document de travail ne dit jamais clairement que la surveillance de masse est une mesure disproportionnée, qui viole les droits de l'Homme", souligne à la chaîne britannique BBC, Katitza Rodriguez, représentante de l'Electronic Frontier Foundation, une ONG de défense d'un Internet libre et démocratique.
Roussef, pasionara anti-NSA
Mais pour Dilma Roussef, le simple fait d'avoir réussi à organiser ce "NETmundial" est déjà une victoire, elle qui a revêtu ses habits de herault de la lutte internationale contre la cybersurveillance de la NSA.
Le sommet lui permet donc de renforcer son image de la pasionara anti-NSA. Elle a soigné ce profil de protectrice en chef de la vie privée sur le Web en faisant voter dans son pays le "cadre civil", la veille de l'ouverture du sommet. Ce texte définit les régles et les devoirs de tous les acteurs du Web au Brésil, afin de renforcer la liberté d'expression en ligne.
De leur côté, les États-Unis, conscients d'être les mal-aimés du moment sur les questions de respect de la vie privée sur Internet, ont tenté de donner des gages de bonne volonté. L'administration Obama a, ainsi, annoncé le mois dernier que les Américains allaient abandonner leur mainmise sur le fonctionnement de l'ICANN en 2015. Cet organisme basé en Californie, dont le rôle est de distribuer les noms de domaine (les ".com", ".net" etc.), est considéré comme l'un des principaux centres de gouvernance du Net.
La répartition future des clefs de l'ICANN devrait être l'une des grandes questions débattues au sommet brésilien. Des avancées sur ce point pourraient permettre à Dilma Roussef de clamer que la "désamérication" de la gouvernance du Net, son principal cheval de bataille, est bel et bien en cours.