Au lendemain de l'accord conclu à Genève pour apaiser la crise en Ukraine, les séparatistes pro-Russes de l'est du pays ont exprimé leur refus de se plier au plan et demandé le départ du gouvernement ukrainien.
L’accord conclu jeudi 17 avril à Genève n’est pas du goût des rebelles séparatistes de l'est de l'Ukraine. Barricadés dans leur QG du bâtiment de l'administration régionale de Donetsk, occupé depuis le 6 avril, les insurgés ont sèchement rejeté ce plan, ravivant le spectre de la partition du pays de 46 millions d'habitants.
Le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, et son Premier ministre, Arseni Iatseniouk, ont, quant à eux tendu la main aux rebelles, promettant une importante décentralisation et un statut protecteur pour la langue russe, sans réagir à la fin de non-recevoir des pro-Russes. Une tentative qui s’est soldée par un échec.
itLes rebelles réclament le départ du gouvernement de Kiev
Les insurgés réclament avant tout le départ du gouvernement pro-européen de Kiev. "Tourtchinov et Iatseniouk doivent d'abord quitter les bâtiments qu'ils occupent illégalement après leur coup d'État", a lancé Denis Pouchiline, "ministre" du gouvernement de la "République de Donetsk" autoproclamée, qualifiant le soulèvement qui a renversé fin février le régime pro-russe de putsch.
Les séparatistes, qui prévoient, en outre, un référendum sur l'autonomie régionale le 12 mai, ne se sentent d'ailleurs pas liés par l'accord. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï "Lavrov, n'a pas signé en notre nom mais au nom de la Russie", a insisté M. Pouchiline.
À la surprise générale, les chefs de la diplomatie ukrainienne, russe, américaine et européenne avaient signé un texte prévoyant notamment le désarmement des groupes armés, la libération des bâtiments publics occupés, une amnistie pour les insurgés non "coupables de crimes de sang" et un dialogue national sur des réformes constitutionnelles pour "inclure toutes les régions ukrainiennes et toutes les entités politiques".
Kiev s’engage dans la voie d’une "décentralisation"
Malgré ce rejet, les autorités de Kiev ont tenu à s'engager solennellement sur leur partie de l'accord, M. Iatseniouk promettant dans une adresse à la Nation commune, avec le président, l'élection des exécutifs régionaux aujourd'hui nommés, des budgets locaux renforcés, un statut spécial pour le russe. Une "décentralisation" loin toutefois de la "fédéralisation" prônée par les pro-Russes et Moscou, et qui, selon Kiev, ouvrirait la voie à l'éclatement du pays.
Le président et le Premier ministre n'ont pas évoqué le refus des séparatistes, ni la réaction possible des autorités. Mais si l'application de l'accord "n'est pas effective dans les prochains jours, je pense qu'après Pâques, il y aura des actions plus concrètes", a de son côté déclaré le ministre des Affaires étrangères, Andriï Dechtchitsa.
"L'opération antiterroriste" lancée pour reprendre la main, et qui a jusqu'à présent tourné à la débandade, n'est en tout cas pas suspendue, mais n'est plus "dans une phase active", selon les services spéciaux ukrainiens (SBU).
Les partisans de l’unité ukrainienne déçus par l’accord
Sur le terrain, les mystérieux "hommes verts" en armes - militaires russes, selon Kiev, "groupe locaux d'autodéfense", selon Moscou - contrôlaient toujours la localité de Sloviansk, qu'ils ont prise il y a six jours. Et les séparatistes, simples manifestants ou groupes armés, tenaient toujours des bâtiments publics dans plus d'une demi-douzaine de villes de l'est russophone.
"Encore mieux qu'une fédération, ce serait de s'unir à la Russie", lance Artour, qui monte la garde devant l'amas de pneus et de sacs de sable barrant l'accès à l'hôtel de ville de Kramatorsk (20 km au sud de Sloviansk), que les pro-russes occupent.
L'accord de Genève a également déçu les partisans de l'unité ukrainienne. "Ces accords ne mentionnent pas l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ni n'exigent de la Russie de cesser l'occupation de la Crimée, ni ne mentionnent les saboteurs russes dans le Donbass" (bassin minier de l'Est). Les Occidentaux ne se rendent-ils pas compte que (le président russe Vladimir) Poutine est une menace pour l'Europe et le monde?", s'emportait sur son blog Anatoli Gritsenko, ex-ministre de la Défense et candidat à la présidentielle anticipée du 25 mai.
"C'est l'échec des règles et des garanties de la sécurité mondiale. Nous voyons maintenant que les garanties de l'inviolabilité des frontières ukrainiennes ne valent rien", renchérissait la chanteuse Rouslana, lauréate de l'Eurovision et militante très active du Maïdan.
Avec AFP