
Depuis son apparition il y a 40 ans, le virus Ebola ne s’était encore jamais répandu hors de l'Afrique centrale. Il touche aujourd’hui la Guinée, le Liberia et peut-être le Mali. Une propagation inédite qui inquiète l’OMS.
Son nom, sa très forte mortalité, son absence de traitement : tout effraie dans Ebola. Jusqu’à présent, ce virus hautement mortel et extrêmement contagieux semait surtout la terreur en Afrique centrale. Mais pour la première fois, depuis son apparition il y a quarante ans - au Soudan et en RD Congo -, il a atteint l’Afrique occidentale et plus particulièrement la Guinée, sa capitale Conakry, et ses voisins le Liberia et la Sierra Leone.
Une propagation inédite et assez inquiétante pour que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se fende d’un communiqué pour le moins alarmiste. "Il s’agit de l’une des épidémies, qui représente le plus de défis à laquelle nous sommes confrontés, a déclaré Keiji Fukuda, le vice-directeur de l’OMS, mardi 8 avril. Cette partie de l'Afrique de l'Ouest n'a jamais connu [d'épidémie] d'Ebola auparavant". C’est en effet la première fois que le virus sort de sa zone habituelle de contamination. Pour l’heure, Ebola a déjà tué 111 personnes : 101 en Guinée, 10 au Liberia.
"Nous partageons cette inquiétude, c’est une maladie extrêmement grave […] Et la souche ‘Ebola Zaïre’ [qui sévit actuellement] est la plus mortelle pour l’homme", estime Eric Leroy, virologue et directeur général du centre international de recherches médicales de Franceville, au Gabon, interrogé par FRANCE 24.
L’ONG Médecins sans frontières parle déjà d’une contagion "sans précédent". "Nous sommes confrontés à une épidémie d’une ampleur encore jamais vue par la répartition du nombre de cas sur le territoire [guinéen]", a déclaré Mariano Lugli, coordinateur de MSF à Conakry, dans un communiqué le 31 mars. Premier problème : sa dissémination. Le virus, très contagieux, a touché Conakry, forte de deux millions d’habitants. Deuxième souci : sa vitesse de propagation. Ebola est soupçonné d’avoir traversé d’autres frontières : neuf cas suspects ont été détectés au Mali, plusieurs autres au Sierra Leone.
Mesures sanitaires dans les pays voisins
Pour autant, rien ne sert de s’alarmer outre mesure, tempère Eric Leroy. "Pour l’instant, nous sommes dans un schéma classique d’une épidémie d’Ebola [….] Le problème c’est surtout le contrôle des frontières. Je comprends que l’OMS soit un peu désemparée", estime le virologue. "Contrôler les routes est une chose, mais contrôler les forêts, les voies non officielles, c’est là que ça devient difficile".
Dans les pays limitrophes, on ne cède pas à la psychose, mais on reste sur le qui-vive. Le 30 mars, le Sénégal a fermé ses frontières avec la Guinée. Dakar a mis en place un dispositif sanitaire drastique : l’aéroport de la capitale est sous surveillance d’équipes médicales. Des aires d’isolement ont été aménagées en cas de détection de cas suspects. Même déploiement sanitaire dans le port de Dakar : tous les bateaux en provenance des pays touchés par Ebola sont arraisonnés. Il faut dire que le Sénégal est une poudrière infectieuse : des milliers de touristes européens se rendent chaque année dans le pays. Une propagation de l’épidémie représenterait une passerelle vers l’Europe.
Même prudence au Maroc. Les autorités du royaume - qui craignent sûrement les flux de clandestins transitant par le désert saharien - ont renforcé leur dispositif sanitaire, en particulier à l’aéroport de Casablanca, principale plateforme aéroportuaire en Afrique du Nord.
Les autorités ivoiriennes sont aussi à pied d’œuvre. La frontière ivoirienne ne se trouve qu’à 150 kilomètres du foyer supposé de la maladie. "Il ne faut pas autoriser la fièvre Ebola à entrer en territoire ivoirien", a lancé, mardi 25 mars, la ministre de la Santé Raymonde Goudou Coffie. Et de demander à la population ivoirienne, qui "affectionne particulièrement le porc-épic et l'agouti", un petit rongeur, d'éviter d'en consommer et d'en manipuler. Le Togo, le Bénin et la Mauritanie ont tous renforcé leur système d’alerte épidémiologique. Même l'Arabie saoudite a décidé de suspendre l'octroi de visas pour le pèlerinage musulman à la Mecque aux fidèles en provenance de Guinée et du Liberia.
Le virus menace-t-il la France ?
"Il y a eu une vingtaine d’épidémies d’Ebola en 40 ans. La plupart sont restées en Afrique", souligne Sandrine Cabut, journaliste Santé au "Monde". "Mais on ne peut pas complètement éliminer l’hypothèse d’une personne débarquant en France et venant de Guinée où elle a été infectée", ajoute-t-elle rappelant que le virus "est l’un des plus redoutables au monde".
Une hypothèse que le ministère de la Santé n’a pas non plus évincée. Si aucun cas n’a encore été recensé sur le territoire français, les autorités sanitaires ont tout de même décidé de renforcer leur niveau de vigilance. Signe d’une inquiétude latente : des équipes de l'institut Pasteur et des médecins d'organisations non gouvernementales (ONG) ont été dépêchés à l’aéroport de Conakry pour surveiller les embarquements à destination de la France.
"Il y a des procédures de précaution qui se mettent en place et je veux assurer de la vigilance et de la mobilisation des autorités sanitaires et en même temps rassurer : nous ne devons pas être inquiets au-delà de la précaution nécessaire qui s’impose", a déclaré la ministre de la Santé Marisol Touraine, le 5 avril lors d’une visite au centre médical d'urgence, à l'aéroport Roissy-Charles-De-Gaulle.
Il n’existe aujourd’hui aucun vaccin spécifique contre cette maladie dont le taux de létalité reste très élevé. Ebola provoque de fortes hémorragies, mortelles dans 50 à 90 % des cas. Il se transmet d’homme à homme par les fluides biologiques, tels que le sang, le sperme, les selles, la sueur ou la salive.
L'analyse de Sandrine Cabut, journaliste Santé au "Monde"
Tout comprendre du virus Ebola par lemondefr