
Des millions d'Afghans sont appelés à élire samedi celui qui succèdera au président Hamid Karzaï. Un scrutin présidentiel qui pourrait être perturbé par des attentats islamistes et entaché de soupçons de fraudes. Reportage
Le 5 avril, des millions d’Afghans sont appelés à choisir leur nouveau président lors d'élections qui s'annoncent chaotiques. Pour la première fois de son histoire, le pays va connaître une transition politique démocratique. En effet, selon la constitution, le président sortant Hamid Karzaï, au pouvoir depuis la chute des Taliban en 2001, ne peut briguer un troisième mandat.
Les derniers sondages donnent l'ancien ministre de l’Économie Ashraf Ghani en tête (27 %) devant le docteur Abdullah Abdullah (25 %). Et puisque aucun grand parti politique n'a émergé dans le pays, des alliances, parfois contre-nature, sont nouées dans un contexte de corruption, de clientélisme et de violences. Selon Transparency International, l'Afghanistan reste le pays le plus corrompu de la planète avec la Somalie et la Corée du Nord.
Dans la capitale Kaboul, où chaque rassemblement électoral peut-être la cible d'une attaque terroriste, un millier de soldats et de policiers sont sur le pied de guerre. Dans certaines provinces, c’est à des seigneurs de guerre que revient la charge d'assurer la sécurité dans l'organisation de l'élection.
Mais parfois ça ne suffit pas. Quelques jours après le tournage des reporters de FRANCE 24, les Taliban, qui ont juré d'empêcher le déroulement du vote, ont attaqué le siège de la Commission électorale à Kaboul.
"Sur 6 000 bureaux, les agences de sécurité ont identifié 414 bureaux de vote qui sont situés dans des zones trop dangereuses et qui resteront fermés à cause des menaces des insurgés", avait confié Noor Mohamad Noor, porte-parole de la Commission électorale. En raison des menaces pesant sur le scrutin, les Nations unies ont limité au strict minimum l'envoi d'observateurs sur place.
Outre les aléas sécuritaires posés par le défi d'organiser des élections dans un pays en guerre, le risque accru de fraudes est l’autre menace. Aux dernières élections de 2009, les Nations unies avaient jugé qu'un tiers des votes étaient frauduleux. Quatre ans plus tard, les leçons du passé ne semblent guère avoir été tirées. Ainsi, il n'existe toujours pas de registre d’électeurs. N'importe qui peut s'inscrire n'importe où : 19 millions de cartes de vote seraient en circulation pour seulement 13 millions de votants. Dans la capitale, il faut attendre plusieurs jours devant la porte des bureaux pour obtenir le sésame.
"Malheureusement, nous n'avons pas de système informatique pour identifier les électeurs et c'est comme ça à travers tout le pays, donc on ne peut pas savoir si quelqu'un est déjà enregistré ailleurs", explique Abdulaziz Kamawal, responsable d’un bureau de vote.
Sultanzoy, candidat à la présidence afghane, craint tous types de fraudes. "Aussi bien des fraudes par des responsables des élections dans les quartiers généraux que dans les bureaux de vote sur le terrain, mais aussi par les fonctionnaires, les chefs de la police, les gouverneurs, les parlementaires. Ils sont tous impliqués dans les fraudes en ce moment. Absolument tous”, dénonce-t-il. Sultanzoy a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Un thème qui fait fuir tous les potentiels soutiens politique. Pour cette raison, il n'a pratiquement aucune chance d'être élu.