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La piraterie profite aux sociétés privées de sécurité

Alors que la communauté internationale se mobilise contre la piraterie dans le golfe d'Aden, les sociétés privées de sécurité comme Blackwater y ont trouvé un marché juteux en travaillant pour le compte d'armateurs.

En 2008, les pirates somaliens ont attaqué une centaine de navires, soit deux fois plus qu’en 2007. Une menace grandissante qui fleure bon les affaires pour les sociétés privées de sécurité. Aegis Defense Services, ArmorGroup, Asia Risk Solutions, Blackwater: toutes partent désormais, pour le compte d’armateurs, en guerre contre les pirates. En échange de monnaie sonnante et trébuchante.

Depuis la mi-octobre, la firme américaine privée de sécurité Blackwater Worldwide, connue pour ses activités très controversées en Irak, a mis son propre navire de soutien, le McArthur, à disposition des bâtiments victimes de piraterie dans le golfe d’Aden. Reconfiguré en 2006 par Blackwater, ce bâtiment de 46,6 mètres est conçu pour soutenir des actions militaires et de sécurité. Il dispose d'un pont d'envol pour hélicoptères et d’une réserve de 15 500 litres de combustible. Parallèlement, la filiale aviation de la société propose des escortes d’hélicoptères et le service de pilotes.

"Des milliards de dollars de marchandises transitent chaque année par le golfe d'Aden", explique dans un communiqué de presse Bill Matthews, vice-président exécutif de Blackwater. De quoi aiguiser l’appétit de la société. "L'arrivée de Blackwater, une société habituée à opérer en zone de guerre de manière autonome, risque de faire changer d'échelle le marché de la lutte antipiraterie", explique, dans un article, Philippe Vasset, rédacteur en chef d’"Intelligence Online", une publication consacrée aux activités d'influence dans le monde.

"S’ils en avaient les moyens, ils mettraient 25 bateaux pour quadriller toutes les zones et feraient payer une taxe aux Etats", juge, quant à lui, Julien Duval, le responsable du département Sécurité maritime de Secopex, concurrente de Blackwater.

Des anciens militaires d’élites, l’arme au poing

Secopex, seule société militaire privée française, a, comme son homologue américaine, déjà flairé le filon. D’ici janvier 2009, elle devrait aussi proposer des escortes maritimes armées aux armateurs.

Pour contourner la loi française qui interdit la présence d’hommes armés sur les bateaux de pêche, les bateaux navigueront sous pavillon djiboutien, yéménite ou somalien.

En partenariat avec une firme britannique, Secopex doit mettre à disposition 11 navires de 24 mètres, de 36 mètres ou de 50 mètres. A bord, cinq à dix hommes, choisis dans un vivier de 2 000 spécialistes militaires, de sécurité ou anciens marins.

Parmi ces hommes, d’ex-nageurs de combats, d’anciens du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou de la police (GIPN), du commando-marine "Jaubert", spécialisé dans la libération d'otages, et du commando d'action sous-marine "Hubert", l'une des plus secrètes et des plus performantes des armées françaises. Rien n’est trop beau pour protéger les clients.

De son côté, Hart Security, un concurrent britannique de Secopex, impose à ses recrues un entraînement spécial très intense. "Le travail en mer est très différent de celui sur terre", explique Hugh Martin, directeur général de la société.

Concrètement, ces hommes embarquent sur les bateaux, armes au poing. Leur but : empêcher les pirates de monter à bord. "Tout l’enjeu est là", explique Hugh Martin. Et toutes les techniques sont bonnes. Pavillons reconnaissables, tirs de fusées éclairantes, canons d’ondes électromagnétiques, les unités de sécurité optent d’abord pour des armes de dissuasion. Et si ces dernières ne suffisent pas, les choses se corsent. Chez Secopex, "une équipe de neuf personnes comptent toujours deux tireurs d’élite. Les sept autres sont armés de mitrailleuses automatiques", explique Julien Duval.

Une offre qui a un coût. "Il faut compter 12 000 dollars par jour avec, pour escorte, un bateau de 24 mètres", le plus petit proposé par la société, explique Julien Duval.

Une piraterie qui pourrait flirter avec le terrorisme

Débauche de moyens ? Pas forcément. Pour Christian Ménard, député UMP du Finistère et responsable d’une mission d'information sur la piraterie maritime, les récents actes de malveillance, dont le spectaculaire détournement, le 15 novembre, du Sirius Star, un super-pétrolier trois fois plus grand qu'un terrain de football et trois fois plus lourd qu'un porte-avion, "soulèvent la question d’un lien entre pirates et terroristes".

"L’Arabie saoudite est intervenue auprès des "shebab", les jeunes miliciens islamistes qui contrôlent aujourd’hui les trois quarts de la Somalie, pour leur demander d’intervenir auprès des pirates", explique l’élu. Avant d’ajouter : "En Somalie, il existe des camps d’entraînement, aux règles très strictes, destinés aux pirates. Plus de 3 500 personnes y sont déjà passées."

Il existe donc de forts soupçons sur les liens entre terroristes et pirates. Mais pas de preuves. Fait indiscutable en revanche, les pirates sont de mieux en mieux organisés et très bien équipés - ils disposent en particulier de bateaux qui permettent de se rendre en haute mer. Face à leur attaques, toujours plus violentes, les armateurs ne parviennent plus à se défendre seuls.

"Environ 50% des bateaux attaqués par des pirates le cachent pour ne pas avoir à payer de surprimes auprès de leurs assureurs", explique le député. Une situation difficile à gérer pour les armateurs. "Il y a deux mois, après l’affaire du Ponant, j'en ai interrogé quelques-uns. Tous étaient prêts à payer pour assurer leur sécurité s’il le fallait", ajoute Christian Ménard.

Ce sont eux d'ailleurs qui ont, les premiers, démarché les sociétés privées de sécurité. Et c’est parce que certains propriétaires de navire s’inquiétaient de voir leurs marchandises arrivées à bon port que Blackwater a mis le cap sur le golfe d’Aden.