Accusés d'exactions contre les musulmans après plusieurs jours de lynchages à Bangui, les miliciens anti-balaka ont été désignés comme "ennemis de la paix" par la force française en Centrafrique qui promet de les traiter comme des "bandits".
Face à la persistance de lynchages et de pillages à Bangui et en province, le général français Francisco Soriano, commandant de la force française en Centrafrique, a désigné lundi les miliciens anti-balaka, accusés d'exactions contre les musulmans, comme des "ennemis de la paix". Ils seront désormais traités comme des "bandits".
"Ceux qui se disent ‘anti-balaka’ sont devenus les principaux ennemis de la paix en Centrafrique, ce sont eux qui stigmatisent les communautés", a insisté le général français Francisco Soriano, au cours d'une rencontre publique à Bangui avec les principaux dignitaires religieux du pays.
Cette forte déclaration intervient au lendemain de l'assassinat de Jean-Emmanuel Ndjaroua, un membre du parlement provisoire centrafricain (CNT), tué en pleine rue dimanche 9 février. Selon plusieurs témoins, il arrivait du centre-ville à bord d’une moto pour se rendre à son domicile, lorsque plusieurs hommes armés lui ont tiré huit balles à bout portant. La veille, il avait fait une intervention très remarquée devant le CNT condamnant le climat d’insécurité et avait vivement interpellé le Premier ministre au sujet des violences dont sont victimes les ressortissants "cosmopolites" du pays, autrement dit les musulmans.
Outre le parlementaire, au moins dix personnes ont été tuées au cours de violences accompagnées de pillages à grande échelle dans la capitale dimanche. Face à ces violences, de nombreux civils musulmans fuient Bangui depuis plusieurs semaines. Ils craignent les exactions dans un pays où le système judiciaire demeure paralysé.
La "nébuleuse" anti-balaka
Le général Soriano a interrogé la nature même des anti-balaka, demandant qui ils sont vraiment, qui est leur chef, leur message politique, leur chaîne de commandement. "Personne ne sait rien. C'est une nébuleuse, on est incapable de mettre un vrai visage", a estimé le général français.
Selon l’auto-proclamé "coordonateur politique" des anti-balakas, Patrice Edouard Ngaïssona, les miliciens seraient environ 70 000 sur tout le pays, un chiffre jugé farfelu par de nombreux observateurs. Dénonçant "l'ingratitude" de la nouvelle présidente de transition Catherine Samba Panza, le "coordonateur" des milices se disait prêt, lundi, à déposer les armes et a être cantonnés contre une aide à la réinsertion.
Mais, "les cantonner, ce serait leur donner une légitimité qu'ils n'ont pas, ce serait leur donner la possibilité de devenir une force qu'ils ne sont pas au service d'un sombre dessein", a estimé le général. "On ne doit pas les cantonner mais les chasser comme ce qu'ils sont, c'est à dire des hors-la-loi, des bandits", a insisté le général Soriano.
Des groupes autonomes de pillards
Apparus d'abord en province comme des groupes d'auto-défense villageois, les anti-balakas avaient vocation à défendre leurs villages contre l'ex-rébellion Séléka, de majorité musulmane, qui a porté au pouvoir Michel Djotodia en mars 2013.
Mais sans moyens et sans armes, c'est surtout aux populations civiles que s'en sont rapidement pris les miliciens. À Bangui notamment, à l’exception de quelques opérations contre les ex-Sélékas, ils s’en sont pris aux civils musulmans qui ont été régulièrement pillés ou lynchés. Ne serait-ce qu’il y a deux jours. Des reporters racontent avoir constaté un lynchage, vendredi dernier. Un homme, vraisemblablement tombé de l’un des nombreux camions emmenant les musulmans à l’abri à la frontière tchadienne, a été "massacré" : la gorge tranchée, le pénis, un pied et une main sectionnés.
Les anti-balakas comptent dans leurs rangs de nombreux anciens membres des Forces armées centrafricaines (FACA) ainsi que des fidèles de l'ancien président François Bozizé, renversé en mars 2013 par Michel Djotodia, contraint à la démission le 10 janvier. Mais dans la capitale centrafricaine, la milice est surtout constituée de petits groupes autonomes et de pillards.
Avec AFP