
À Sedniev, un village du nord de l'Ukraine, situé près de la frontière russe dans l'une des provinces les plus pauvres du pays, la population suit avec inquiétude le mouvement de contestation qui secoue la capitale. Reportage.
Depuis plusieurs semaines, tous les regards sont tournés vers Kiev, épicentre du mouvement de contestation qui secoue le pouvoir du président ukrainien Viktor Ianoukovitch. Et ce, depuis le rejet par la présidence fin novembre d'un accord d'association avec l'Union européenne au profit d’un rapprochement avec la Russie voisine.
Toutefois, c’est le sort de l’ensemble du pays, embourbé dans une grave crise politique, qui se joue en ce moment en Ukraine. Les envoyés spéciaux de FRANCE 24, Jonathan Walsh et Abdallah Malkawi, se sont rendus à Sedniev, un village du nord du pays, niché près de la frontière russe dans l'une des provinces ukrainiennes les plus déshéritées, où le secteur agricole est en déclin et l’industrie quasi-inexistante, et où surtout les habitants suivent avec angoisse les évènements qui se déroulent dans la capitale.
Dans ce village, à l’image du reste du pays, la population est divisée entre partisans et détracteurs du président Viktor Ianoukovitch. Ainsi, pour Nadia et Mykola, deux agriculteurs à la retraite, l'effervescence politique dans la capitale et les reproches faits au régime actuel sont injustifiés.
Les yeux rivés sur le Maïdan
"Vous voulez manifester contre Ianoukovitch, alors allez pacifiquement sur le Maïdan [le nom ukrainien de la Place de l'Indépendance, haut-lieu de la contestation, NDLR]. Pas avec des haches, pas avec des battes. C'est n'importe quoi, c'est la guerre civile", s’indigne Nadia, en référence aux scènes de guérilla urbaine qui ont eu lieu à Kiev. "Les gens disent que les salaires tardent, mais c'est normal avec ce qui se passe en ce moment", ajoute-t-elle.
Un avis que ne partage pas Serguei, un chauffeur routier dans une contrée où le coût de la vie ne cesse d'augmenter. "Dans les régions, les gens n'ont pas de travail, toute cette injustice a fait que les gens n'ont plus de patience, et je suis de tout mon cœur avec les gens de Maïdan", explique-t-il.
De nombreux habitants de Sedniev voient leur situation se dégrader et dénoncent la gestion calamiteuse du pays par le président ukrainien. "Les gens qui vivent bien le soutiennent peut-être, mais si on a une vie un peu misérable, on cherche une amélioration, précise de son côté Ludmila, une couturière pro-contestation. Chez nous à Sedniev, environ la moitié des gens soutiennent le pouvoir, et l'autre moitié l'opposition et le Maïdan."
Ludmila laisse sa télévision allumée en permanence et suit avec passion le bras de fer entre l’opposition et le pouvoir. Elle veut croire qu’un vent nouveau souffle sur l'Ukraine et qu'il apportera ses bienfaits jusqu'à Sedniev.