
Pendant cinq ans, Sotchi a vécu au rythme de travaux pharaoniques. Les Jeux olympiques d’hiver les plus chers de l’Histoire vont se tenir dans cette petite station balnéaire située entre la mer Noire et les montagnes du Caucase. Notre reporter a mené l’enquête.
Sotchi est une ville relativement jeune, fondée en 1838. À l’époque, les habitants vivaient majoritairement dans les montagnes, délaissant le bord de mer où les moustiques et la malaria rendaient la vie impossible. Ce n’est qu’à partir des années 1930 et surtout après la Seconde Guerre mondiale qu’elle se transforme en station balnéaire prisée. Joseph Staline fait assécher les marais qui longent la mer. Il fait bâtir des hôpitaux et des sanatoriums dans lesquels sont soignés les blessés de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que des hôtels et des villas où la nomenklatura passe ses vacances. Sotchi devient alors une ville pour personnes "importantes". Son évolution est rythmée par les oukazes de Moscou.
Après la chute de l’URSS, la petite station balnéaire garde ce statut de ville chérie des dirigeants russes. Vladimir Poutine en tête : l’homme fort du Kremlin s’est impliqué personnellement pour qu’elle devienne une cité olympique. Il a été le porte-parole le plus fervent de ces Jeux, renvoyant dos à dos les critiques. Corruption, exploitation des ouvriers, expropriations abusives, catastrophe écologique liée au chantier… "Non, tout cela n’existe pas !", assure le président russe.
Sur place, c’est pourtant une toute autre réalité que nous avons découvert. Nous avons rencontré Angela Zilberg, dont la maison a été détruite sans expertise et sans compensation. Nous avons retrouvé Roman, l’ouvrier qui s’était cousu la bouche car son employeur au chantier olympique refusait de lui verser son salaire. Nous sommes aussi allés à Akhsthyr, un village recouvert de poussière où la souffrance des habitants n’a d’égal que l’indifférence des autorités locales, qui les laissent sans eau courante et coincés entre deux carrières de pierre…
Derrière les immeubles et les hôtels flambants neufs qui ont poussé, afin que Sotchi soit fin prête pour accueillir les JO d'hiver le 7 février, nous avons découvert la face sombre des chantiers olympiques.