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"Personne ne quittera les barricades tant que Ianoukovitch sera au pouvoir"

L’abrogation des lois anticontestation en Ukraine et l’annonce de la démission du Premier ministre peinent à convaincre les manifestants rassemblés depuis deux mois sur la place de l’Indépendance à Kiev. Reportage.

Après une semaine marquée par de violents affrontements, la décision d’abolir les lois répressives et la démission du Premier ministre Mykola Azarov ont été accueillies, mardi 28 janvier, comme un premier pas vers l’objectif ultime des manifestants : le départ du président Viktor Ianoukovitch.

"Le gouvernement joue au chat et à la souris. Les gens au pouvoir veulent gagner du temps mais ils ne changeront rien. La démission du Premier ministre n’aura aucun impact sur le système", explique Oleg Veremiyenko, un avocat venu filmer les barricades dans la rue où ont eu lieu les combats les plus violents.

Les cartouches de chevrotine figées dans le sol gelé et les carcasses de véhicules calcinés rappellent la violence des affrontements. L’accalmie des derniers jours n’a pas entamé l’envie de ces manifestants en première ligne d’en découdre, quelles que soient les tractations politiques en cours. Pour Oleg Veremiyenko, les leaders d’opposition qui affirment négocier au nom des manifestants "font eux même parti du système Ianoukovitch".

"Les gens ont supporté des températures glaciales en restant dans la rue pendant deux mois et qu’a obtenu l’opposition ? Rien, aucun résultat concret, seulement la perte d’au moins cinq jeunes !", s’emporte l’avocat en évoquant les morts et les disparations mystérieuses de plusieurs manifestants.

Sa position semble faire l’unanimité parmi les hommes casqués et armés en première ligne. Aleksander, chauffeur de bus à Kiev, compte profiter de l’accalmie pour se reposer un peu avant de retourner aux barricades.

"Aucune des concessions annoncées aujourd’hui ne nous fera partir. Personne ici ne quittera les barricades tant que Ianoukovitch sera au pouvoir", affirme ce chauffeur de bus réfugié auprès d’un brasero.

Pas question de lever le camp

À quelques centaines de mètres des barricades de première ligne, Irina profite du calme pour faire visiter à ses amis la place de l’Indépendance (Maïdan), renommée EuroMaïdan par le mouvement de contestation, né du refus de Viktor Ianoukovitch fin novembre de signer un accord de libre-échange avec l'UE.

Emmitouflée dans un manteau de fourrure, la jeune guide de musée se présente comme une sympathisante de l’ancien boxeur et actuelle figure de l’opposition Vitaly Klitschko, qui a rejeté l’offre de rejoindre le gouvernement.

"Les manifestations ne s’arrêteront pas tant que Ianoukovitch sera au pouvoir. Il vient de Donetsk, une région réputée pour ses bandes mafieuses. Si on ne se mobilise pas dans la rue, ça sera très difficile de le faire partir", confie la jeune femme.

Au quartier général du parti nationaliste Svoboda, très en vue parmi les contestataires, les concessions du pouvoir sont avant tout perçues comme un aveu de faiblesse à exploiter. "C’est un pas dans la bonne direction mais nous demandons toujours une amnistie générale et un retour à la constitution d’avant 2004", affirme Andriy Bardys.

Pour cet assistant parlementaire de 26 ans, ce tour de passe-passe constitutionnel permettrait ensuite de transférer l’essentiel des pouvoirs présidentiels à un Premier ministre issu de l’opposition : "Nous voulons évidemment que Ianoukovitch quitte le pouvoir, mais nous réalisons aussi que nous n’avons forcément pas le pouvoir de le chasser sans bain de sang".