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Trois ans après la chute de Moubarak, que reste-t-il de la révolution ?

Qu'en est-il de la révolution du Nil trois ans après la chute de Moubarak ? Les correspondants de FRANCE 24 en Égypte ont rencontré certains révolutionnaires, dont les trajectoires ont été très différentes depuis 2011. Reportage.

Un peu moins de trois ans après la chute d'Hosni Moubarak, que reste-t-il de la révolution égyptienne ? Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par les militaires en juillet dernier, l'Égypte semble revenir en arrière. La nouvelle constitution, tout juste adoptée, donne de grands pouvoirs à l'armée, toute contestation du régime est fermement réprimée et de nombreux opposants sont arrêtés.

Qu'en pensent ceux qui ont fait tomber l'an "raïs", en 2011 ? Les correspondants de FRANCE 24 en Égypte, Kathryn Stapley et Pierrick Leurent, ont rencontré certains d'entre eux. Précisément trois hommes unis dans leurs idéaux de liberté, mais dont les trajectoires ont été très différentes depuis 2011.

L’activiste Wael Abbas, un bloggeur influent et un infatigable militant pour la démocratie, reste une épine dans le pied des autorités actuelles. "Ce qu'il s'est passé récemment [la destitution de Morsi, NDLR], c'est un coup militaire, c'est clair, tonne-t-il. L'armée a des intérêts économiques, politiques, même au niveau international et des intérêts qu'ils veulent préserver et maintenir en place"

Wael Abbas dénonce "un coup d'arrêt" aux libertés de la presse et d'expression. "On n'a rien vu de tel depuis les années 1960", regrette-t-il. "J'espérais que nous pourrions faire tomber Moubarak et son régime tout entier, et que la révolution gouvernerait le pays, pas un conseil militaire, pas les islamistes ou l'une des alternatives affreuses, arrivées durant les années qui ont suivi la révolution", poursuit-il.

Youssof Salhen, aujourd’hui porte-parole des "Étudiants contre le Coup" n'avait que 18 ans en 2011. "Je ne pourrai jamais oublier ces jours-là, en particulier quand Hosni Moubarak a renoncé au pouvoir. C'était une fête incroyable place Tahrir", confie-t-il, nostalgique. Désormais, il se bat pour le retour au pouvoir du seul président civil jamais élu démocratiquement, Mohamed Morsi. "L'Égypte est sous l'occupation de sa propre armée maintenant. Son boulot, c'est de protéger et de servir le pays, pas de le diriger, le contrôler ou même le posséder !", affirme-t-il à FRANCE 24.

"Ce sont les partis politiques qui gouverneront"
Enfin, Shihab Wagih est devenu un homme politique au sein du parti libéral "Free Egyptians", fondé après la révolution. "Ce que nous voulions tous, c'était construire une nouvelle Égypte. Une Égypte fondée sur la démocratie et la liberté", souligne-t-il. 
Il se montre toutefois moins sévère à l'égard de l’armée égyptienne, qui a repris le pays en main. "C'est un malentendu de dire que si le Général Sissi [qui a depuis le tournage du reportage été élevé au grade de maréchal et obtenu le feu vert de ses pairs pour se présenter à l'élection présidentielle, NDLR] accède au pouvoir, le pays sera entre les mains des militaires, justifie-t-il. L'armée a-t-elle beaucoup de pouvoirs aujourd'hui ? Oui, mais au bout du compte, l'armée ne dirigera pas le pays, ce sont les partis politiques qui gouverneront".
Qu'ils fassent désormais partie du système ou qu'ils soient contre le régime, les anciens révolutionnaires Shihab, Wael et Youssof partagent finalement le même objectif : mener l'Égypte sur la route de la démocratie.