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Malgré les appels à la réconciliation lancés par la présidente centrafricaine Catherine Samba-Panza, les violences continuent à Bangui. Dans les quartiers musulmans, les habitants se disent abandonnés par les forces françaises et africaines.

Un ancien ministre musulman, Joseph Kalité, a été tué, vendredi 24 janvier, à coups de machette à Bangui, la capitale de la Centrafrique toujours en proie à des violences confessionnelles malgré les appels répétés à la réconciliation de la nouvelle présidente par intérim, Catherine Samba-Panza.

Joseph Kalité, qui fut plusieurs fois ministre, notamment du Logement, sortait d'un taxi lorsqu'il a été agressé, a raconté l'un de ses proches par téléphone à Reuters. Des miliciens chrétiens anti-balaka "l'ont frappé à coups de machette et de bâton jusqu'à ce qu'il succombe", a-t-il rapporté. L’un de ses beaux-frères, qui se trouvait avec lui, a réussi à s’échapper. Le corps de l’ancien ministre a été conduit à la mosquée Ali Babolo où des reporters de Reuters ont pu voir son corps mutilé.

"Il n'avait pas de fonction au sein de la Séléka", - l'ex-mouvement rebelle musulman -, a assuré à Reuters Mahmoud Hissène, vice-président d'une organisation de jeunesse islamique. Il avait même été exclu de la Séléka mais c'était un responsable musulman et c'est pour cela qu'il a été lâchement assassiné."

Depuis l'intervention des 1 600 soldats français de l’opération Sangaris le mois dernier, des chrétiens profitant du désarmement de certains miliciens musulmans mènent des opérations de représailles contre les hommes de la Séléka et les civils musulmans. Neuf autres personnes sont tombées dans la journée de vendredi sous les coups de groupes armés dont certains appartenaient aux anti-balaka. Des commerces ont été pillés dans le quartier de Miskine, peuplé en majorité de musulmans, ont rapporté des témoins à Reuters. Ces mises à sac ont entraîné des représailles menées par des combattants musulmans.

"Nous souffrons toujours"

Dans les zones à majorité musulmane de la capitale, les habitants se disent abandonnés par les militaires français. "On nous a dit que les ‘Sangaris’ sont venus nous aider, mais nous n'avons encore rien vu. Nous souffrons toujours", indique à FRANCE 24 une Banguissoise du quartier PK5.

Depuis son élection par le Parlement provisoire, Catherine Samba-Panza a fait plusieurs fois part de son intention d'ouvrir le dialogue avec les représentants des groupes armés. L’ancienne maire de Bangui a également exhorté les milliers de familles déplacées à rentrer chez elles. Mais peu de musulmans ont répondu à son appel.

De peur des représailles, certaines familles sont venues se réfugier devant la mosquée du quartier en attendant de fuir le pays. "La seule solution pour moi, c’est de quitter la RCA, et d'aller au Tchad parce qu’il n’y a pas de solution pour moi ici", affirme à FRANCE 24 une femme qui dit avoir été attaquée, puis chassée de chez elle par les milices chrétiennes.

Dans le quartier PK12, également largement peuplé de musulmans dans le nord de la capitale, des habitants craignant pour leur sécurité ont décidé de quitter la ville en convoi sous escorte militaire. Alors qu'ils entassaient leurs maigres biens dans des camions, des anti-balaka rassemblés à quelques centaines de mètres d'eux les insultaient et se moquaient d'eux. Des soldats français ont séparé les deux camps.

Depuis décembre, date du début de l'intervention militaire française aux côtés de forces africaines de la Misca, les violences ont fait plus de 2 000 morts et un million de déplacés, selon l'ONU. La présence sur le terrain de 1 600 soldats français et de 5 000 militaires africains n'a pas permis pour l'heure d'apaiser les tensions. L'Union européenne (UE) a annoncé l'envoi de 500 militaires qui seront basés dans les environs de Bangui et devraient rester sur place pendant six mois avant de passer le relais aux forces africaines.

Avec Reuters