Un Américain a inventé un bras artificiel à bas coût, fabriqué grâce à des imprimantes 3D, permettant à des personnes mutilées de recouvrer un minimum d’autonomie. Retour sur le succès du "Project Daniel".
Daniel Omar a perdu ses deux bras lors d’un bombardement du gouvernement soudanais sur son village du
Soudan du Sud, il y a deux ans. Il avait alors 14 ans. En novembre dernier, grâce à une
imprimante en 3 dimensions et l’inventivité de
Not Impossible Labs, une "start-up à but non lucratif", le jeune homme a pu retrouver des bras.
En mars 2012, le fondateur de Not Impossible Labs, le Californien Mick Eberling, est bouleversé par un reportage qu’il vient de lire dans le "
Time", consacré au travail d’un chirurgien spécialisé dans les amputations dans la zone montagneuse des Monts Nouba, au Soudan du Sud. Le jeune Daniel, opéré par le médecin, y témoigne : "Sans mains, je ne peux rien faire. Je ne peux même pas me battre. Je vais désormais devenir un poids pour ma famille. J’aurais préféré mourir".
Mick Eberling, qui a déjà confectionné des
lunettes permettant aux personnes paralysées de communiquer grâce au mouvement des pupilles, voit dans l’histoire de Daniel un défi digne des objectifs affichés par Not Impossible Labs : élaborer des "dispositifs gratuits pour les personnes faisant face à des défis physiques difficiles". Quelques mois plus tard, il s’envole pour le Soudan du Sud avec, en guise de bagages, deux imprimantes 3D, des plaques de plastique pour les alimenter et des bobines de câble. Et un plan fou, le "
Project Daniel", en tête.
L’homme parvient à retrouver Daniel. Grâce aux imprimantes et avec l’aide du docteur Catena, le médecin américain installé au Soudan qui avait opéré le jeune garçon, il élabore une prothèse fonctionnant grâce à un système de câbles reliés au moignon, qui ouvrent et ferment la main en fonction de la position du reste du bras. Un système qui rend son usage limité : elle ne fonctionne que si la totalité du bras n’a pas été amputée. La prothèse doit aussi être améliorée, précise Mick Eberling dans le "
Time" car pour le moment, elle n’apporte pas une précision de mouvement extraordinaire et ne permet pas de porter de lourdes charges.
Acquérir de l’autonomie Pour autant, grâce à elle, Daniel a pu, pour la première fois en deux ans, tenir une cuillère et s’alimenter sans aide. "Permettre à Daniel de se nourrir seul était un aussi grand moment que la naissance de mes enfants", témoigne Mick Eberling dans "The Guardian".
Le père de Not Impossible Labs est rentré en Californie, laissant ses imprimantes 3D dans un hôpital sud-soudanais. Avant de partir, il a formé plusieurs personnes – dont le jeune Daniel – à l’utilisation du matériel, pour que l’expérience puisse se poursuivre. Mais il craignait tout de même que la main artificielle de Daniel ne reste qu’un projet unique. Une peur infondée : lorsqu’il rallume son téléphone après son vol de retour, un message l’attend. "Le docteur Catena me disait : ‘Nous avons fini deux bras [artificiels] pendant que vous étiez dans les airs’", raconte Mick Eberling au "
Guardian".
Depuis qu’il est rentré, un bras, en moyenne, est fabriqué chaque semaine à l’hôpital. Mick Eberling appelle régulièrement le docteur Catena, et envoie les plaques de plastique pour alimenter l’imprimante 3D. La prothèse inventée par Not impossible Labs commence à connaître un certain succès dans ce pays, où les nombreux affrontements ont mutilé des dizaines de milliers de personnes.
"Au début, les enfants souhaitaient avoir des bras faits d’un plastique à la couleur proche de celle de leur peau, parce qu’ils ne voulaient pas se faire remarquer", raconte Elliott Kotek, co-fondateur de Not Impossible Labs, interrogé par "The Guardian". Mais petit à petit, alors que ces prothèses se répandent, des plastiques de couleur ont fait leur apparition pour la confection de bras artificiels, du turquoise au rose flashy. Un succès d’autant plus grand qu’un bras peut être fabriqué en l’espace de six heures, pour un coût total d’environ 75 euros