Razan Zaitouneh, opposante syrienne de la première heure, a été enlevée le 10 décembre et les soupçons se portent sur un groupe d'obédience salafiste. Son sort symbolise celui des Syriens pris en étau entre le régime d'Assad et les djihadistes.
Cela fait une semaine que cette icône du soulèvement en Syrie focalise l'attention. Razan Zaitouneh, militante de longue date contre le régime de Bachar al-Assad, a été enlevée le 10 décembre au matin par des hommes armés et masqués, à Douma, une ville sous contrôle rebelle située à l’est de Damas, assiégée par les forces du régime.
De multiples forces rebelles, dont des djihadistes du Front al-Nosra et de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) sont présents dans cette région. Un groupe de l'opposition armée pourrait être derrière cet enlèvement, a déclaré à l'AFP Fares Mohamed, militant au sein des comités locaux de coordination [LCC, réseau national de militants d'opposition]. Il pourrait s'agir de Liwa al-Islam, d'obédience salafiste.
Sur le plateau de FRANCE 24, Imad Houssari, membre du LCC, confirme cela. "Une milice, dont on ignore précisément l’identité, a kidnappé Razan Zaitouneh", a-t-il affirmé. "Douma a été libérée des forces d'Assad depuis très longtemps et était sous le contrôle de la brigade Liwa al-Islam dirigé par Zahran Allouch", explique-t-il. "Le régime d'Assad n’avait pas réussi à mettre la main sur Razan et ses amis quand elle se trouvait à Damas il y a de celle quelques mois, mais là ces gens là [la brigade Liwa al-Islam] l’ont enlevée à Douma", précise-t-il.
Imad Houssari estime ainsi que l’enlèvement de Razan Zaitouneh est emblématique du dilemme des Syriens. "Le peuple syrien est coincé, pris au piège entre le régime de Bachar al-Assad et les djihadistes", observe-t-il amer. "Les djihadistes n’ont jamais porté la voix du peuple. Pour les Syriens, ils sont sur la même ligne que le régime", insiste l'opposant.
Selon les LCC , l'avocate de 36 ans a été enlevée avec son mari, Wael Hamada, et deux collègues.
Razan Zaitouneh a réussi a échapper au régime, mais est enlevé par des rebelles
Nombreux sont ceux au sein de l’opposition qui relèvent ce paradoxe. "Razan est une véritable icône de la révolution, elle est l'une des dernières à porter la flamme originelle du soulèvement", affirme ainsi dans un article du Monde Jaber Zaien, l'un de ses proches, qui siège au sein de la Coalition nationale syrienne (CNS), principale formation d'opposition au régime d'Assad. "Nous sommes très perturbés par le fait qu'elle ait disparu dans une zone aux mains des rebelles, alors que, pendant des mois, quand elle se trouvait à Damas, elle a su échapper à la surveillance du régime", ajoute l’opposant.
Depuis le début du soulèvement en mars 2011, Razan Zaitouneh se cachait en raison de son travail sur les atrocités commises par les forces gouvernementales. L’activiste a reçu en 2011 le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit avec d'autres militants du Printemps arabe.
L’avocate, qui s’était faite la voix des prisonniers politiques, avait déjà fait l’objet de menaces de la part de groupes rebelles. En septembre dernier, des coups de feu ont été tiré près de son bureau, où siège une ONG qui recense les violations des droits de l’Homme en Syrie, de l’un ou de l’autre des camps.
Ces événements surviennent alors que la montée du djihadisme en Syrie inquiète les pays occidentaux. Certains, comme les États-Unis et le Royaume-Uni semblent modifier leur politique et ont d’ores et déjà décidé de cesser d’envoyer de l’aide, pourtant non létale, destinée à l’Armée syrienne libre (ASL). "Le problème, c’est que de nombreuses brigades, dont certaines sont djihadistes, se battent sous le logo de l’ASL ", explique à FRANCE 24 Walid Phares, conseiller auprès du Congrès américain sur le Moyen-Orient.