Les relations entre Tel-Aviv et Bucarest se sont ternies après la décision de la Roumanie d’interdire à ses ressortissants d’aller travailler dans les Territoires occupés. Une décision prise au regard du droit international, selon Bucarest.
Alors que les rapports entre la Roumanie et Israël avaient toujours été au beau fixe, les nuages s’accumulent dans le ciel israélo-roumain. En cause : la position de Bucarest face à la politique de colonisation de son allié israélien. Mercredi 11 décembre, la Roumanie a indiqué à Israël qu’elle refusait que les travailleurs roumains partent travailler dans les Territoires occupés.
"La Roumanie a constamment visé le respect du droit international [au regard duquel la colonisation dans les Territoires palestiniens est illégale, NDLR]", a rappelé mardi 10 décembre - sans plus de précisions - le ministère roumain des Affaires étrangères. Cette décision arrive dans le sillage du durcissement de ton de l’UE à l’égard de Tel-Aviv. Les 28 ont décidé en juillet dernier de priver de subventions européennes les entités israéliennes présentes dans les Territoires palestiniens.
"Relations exceptionnelles"
À première vue, la réaction de Bucarest n’a donc rien de très surprenant, explique Frédéric Encel, spécialiste de géopolitique au Proche-Orient, contacté par FRANCE 24. En 2012 déjà, les discussions entre les deux États avaient achoppé sur ce sujet. Aujourd'hui, "il y a sûrement eu une pression de l’Union européenne sur la Roumanie. Bucarest ne fait que suivre la politique commune", rappelle-t-il.
Au mois de juillet déjà, Tel-Aviv avait vécu la décision de l’UE comme un véritable boycott : "Nous ne pouvons ignorer [cette décision] ou considérer ces crachats comme si c’était de la pluie", avait lâché le Premier ministre Benyamin Netanyahou.
Aujourd'hui, l’État hébreu vit à nouveau la position de Bucarest comme un affront. "Il est vrai que les relations entre les deux pays ont toujours été exceptionnelles. Surtout depuis la chute du bloc soviétique en 1991", précise Frédéric Encel. Et ce, pour trois raisons. D’une part, la Roumanie a toujours eu une volonté atlantiste, "et se rapprocher des Israéliens, c’est se rapprocher des États-Unis dans le fantasme collectif", explique le spécialiste. D’autre part, Israël apprécie particulièrement que Bucarest achète son gaz et son pétrole à la Russie, "et non aux pays arabes". Enfin, il n’existe pas de minorité musulmane en Roumanie. "Autant d’arguments qui favorisent les bons rapports entre les deux pays", ajoute Frédéric Encel.
"La Roumanie craint pour la sécurité de ses travailleurs"
Depuis les années 2000, surtout, les liens économiques entre Bucarest et Tel-Aviv se sont considérablement développés. Une importante main d’œuvre roumaine est régulièrement employée en Israël dans le secteur du bâtiment. En 2011, par exemple, un accord avait été signé entre le gouvernement israélien et Bucarest pour permettre à 2 000 ouvriers roumains et bulgares de venir travailler sur le sol israélien. En échange Tel-Aviv avait reçu la promesse de Bucarest que la Roumanie ne voterait pas en faveur de la création d’un État palestinien à l’ONU, en novembre 2012.
Cette force vive est d’autant plus essentielle pour l’État hébreu qu’elle vise à remplacer les travailleurs palestiniens, considérés comme des terroristes potentiels, depuis la seconde Intifada en 2000.
L'État hébreu a précisé que les autres pays fournissant d’importants contingents de travailleurs, comme la Moldavie ou la Bulgarie – des "pays amis", selon Israël - ne réclamaient pas de telles exigences. Pour l’heure, l’ambassade roumaine à Tel-Aviv n’a pas fait de commentaires.
C’est la deuxième polémique opposant un pays de l’UE à Israël qui éclate cette semaine. Le 8 décembre, Amsterdam et Tel-Aviv ont eu un vif différend à propos d’un scanner de sécurité qui devait être installé à la frontière de la Bande de Gaza. Le gouvernement néerlandais espérait via ce projet négocier une augmentation des exportations de biens de Gaza vers la Cisjordanie. Une requête que les dirigeants israéliens ont fermement décliné accusant les Néerlandais d’essayer de leur imposer des "conditions politiques."