Diriger un pays ou une entreprise comme un chef d’orchestre... C’est ce qu'Itay Talgam, ancien élève de l'illustre musicien Léonard Bernstein, propose d'apprendre. À l'occasion du Forum d'Avignon, FRANCE 24 s'est entretenu avec le chef d'orchestre.
Pour remonter dans les sondages, François Hollande devrait-il prendre des cours... de musique ? Bien diriger, cela s'apprend, et c'est ce que propose le maestro israélien Itay Talgam lors de ses ateliers.
Ainsi a-t-il développé un modèle de travail basé sur un exercice doux du pouvoir, ouvrant de nouvelles voies aux dirigeants d'entreprise et responsables politiques. Sa méthode s'inspire de son professeur Leonard Bernstein, qui loin de mener ses musiciens "à la baguette", pouvait les diriger uniquement avec les expressions de son visage. Il avait su bâtir une relation harmonieuse avec son orchestre basée sur l'écoute, la confiance et le respect mutuel. FRANCE 24 a rencontré Itay Talgam au Palais des Papes lors du Forum d'Avignon, rencontres internationales de la culture de l'économie et des médias.
FRANCE 24 : Un bon dirigeant, qu’est-ce selon vous ?
Itay Talgam : Je pense que c’est comme être un bon professeur. Quand on y pense, la meilleure façon d’enseigner est en montrant la voie, en donnant des pistes. C’est ensuite aux élèves de trouver les réponses, de s’approprier un savoir, une technique, d’en faire l’expérience. On dit qu’on ne peut pas vraiment enseigner aux autres quelque chose de nouveau. On peut seulement leur rappeler qu’ils ont les réponses, comment les trouver, comment se les approprier. Et donc pour bien diriger, que ce soit une société ou un pays, il faut savoir écouter les autres, leur apprendre à s’écouter les uns les autres, savoir les orienter...
FR24 : Il suffirait donc aux politiques d’être à l’écoute pour être de bons dirigeants ?
Vous seriez surpris de voir à quel point le simple fait d’écouter les autres et de faire en sorte qu’ils s’écoutent les uns les autres permet de résoudre de nombreux problèmes. Pour être un bon leader, il faut certes avoir des connaissances, être intelligent, avoir de bonnes idées, mais surtout être capable de mettre de côté ce que l’on sait pour écouter ce que les autres ont à dire. Un bon leader ne doit pas chercher de solution seul dans sa tour d’ivoire, en ignorant les autres. Il doit être capable d’écouter comme un chef d’orchestre, en confrontant ses idées avec celles des autres.
Prenons un exemple concret : la route. On peut mettre des radars, durcir la loi… Mais pour changer l’attitude des automobilistes, il faut surtout leur apprendre à jouer le jeu du code de la route, leur faire comprendre pourquoi il faut respecter ces règles. Lorsque les gens s’écoutent, se respectent, comprennent que la conduite est un jeu social, et qu’ils ont tout intérêt à le respecter : ils jouent le jeu, ensemble. La solution est là. Au lieu d’imaginer de grands plans, au lieu de menacer de punition, il suffirait peut-être juste d’être plus à l’écoute, et ainsi de rendre les gens plus responsables.
FR24 : Mais pour bien diriger, ne faut-il pas aussi savoir trancher, prendre des décisions impopulaires ?
Lorsque la maison brûle, qu’il y a urgence, on n’a pas envie de débattre pendant des heures. Alors là, oui, peut-être qu’en cas d’urgence, on attend d’un leader qu’il ou elle montre la sortie, et vite. Encore que je n’en sois pas sûr, mais sinon, la prise de décision doit plus se faire "par en bas", même si je n’aime pas cette expression ! Les solutions viennent des acteurs de la société, c’est-à-dire des citoyens, des entreprises, des étudiants, etc.
Les chefs d’États, les patrons d’entreprises, doivent surtout permettre de créer des plateformes, des lieux d’échange. Les solutions viennent souvent juste du simple fait d'une rencontre de points de vue, des expériences, des vécus, des personnalités… Je sais que cela fait un peu cliché, mais cela fonctionne !
FR 24 : Les hommes politiques sont-ils réceptifs à ce que vous proposez ?
Ah ! Les politiques n’écoutent pas assez ! (rires) J’en ai rencontré au Forum économique mondial de Davos, on discute, on échange, mais je ne me fais pas d’illusion. Ils me voient surtout comme quelqu’un de distrayant. Les hommes d’affaire en revanche tendent plus l’oreille, car vous savez, dans le monde des affaires, les résultats se mesurent plus facilement. Soit ça marche, soit ça ne marche pas. Et pour l’instant, personne ne s’est plaint…