Au lendemain de la mort de leurs confrères au Mali, les journalistes de la rédaction de RFI sont en deuil dimanche. Entre tristesse et colère, ils rendent hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Dans les locaux de RFI, dimanche 3 novembre au matin, deux photos sont placardées un peu partout : celles de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les deux reporters assassinés la veille, alors qu’ils étaient en mission au Nord-Mali. Après le choc, c’est l’incompréhension, l’accablement et la colère, qui envahissent désormais les anciens collègues des deux journalistes, au sujet desquels on ne tarit pas d’éloges.
"Pour nous, c’est inconcevable, c’est inacceptable, que nos collègues Claude et Ghislaine soient visés au Mali, alors qu’ils faisaient leur travail", enrage Nicolas Champeaux, journaliste à RFI, sur le plateau de FRANCE 24. "Je suis en colère, je suis indigné, je suis révolté, parce que je suis journaliste de la rédaction Afrique de RFI. Mais tout le monde doit être indigné, tout le monde doit être en colère".
it![RFI en deuil : "Tout le monde doit être indigné" RFI en deuil : "Tout le monde doit être indigné"](/data/posts/2022/07/18/1658167193_RFI-en-deuil-Tout-le-monde-doit-etre-indigne_1.jpg)
Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été tués, alors qu’ils étaient partis au Mali pour tendre leurs micros aux Maliens. "Pas seulement les politiques, tout le monde", insiste Nicolas Champeaux.
Leurs dépouilles ont été ramenées à Bamako, ce dimanche. La direction de RFI devait arriver dans la soirée au Mali pour organiser leur rapatriement en France "au plus tôt" lundi.
"Hippopotame sous gravillon"
Dans le bureau qu’occupait Ghislaine Dupont, reporter chevronnée de 51 ans, les yeux sont rougis. Mais le sourire revient tant bien que mal, lorsqu’il s’agit d’évoquer les traits d’humour de cette collègue admirée, que l’on surnommait "Gigi". "Elle avait une façon de raccrocher son téléphone en disant: 'quelle bande de zozos !'", raconte le journaliste Olivier Rogez. Ce dernier se souvient également de sa façon bien à elle d’utiliser l’expression "anguille sous roche" : dans la bouche de Ghislaine, cela devenait "hippopotame sous gravillon". Bruno Daroux, directeur de la rédaction Monde, rend, pour sa part, hommage à une "très grande connaisseuse de l'Afrique". "C'était une journaliste têtue, opiniâtre, obstinée".
Si Claude Verlon, âgé de 58 ans, était plus souvent absent de la rédaction en raison de ses fréquents départs en mission, les souvenirs de cet autre vétéran de la radio ne sont pas moins émus. "Quand vous travailliez avec lui, vous aviez une réelle idée de ce que le mot "camaraderie" veut dire", témoigne Tony Cross, journaliste pour la rédaction anglophone de la "radio du monde", qui émet en treize langues. "Avec lui, on devenait une vraie équipe".
Tony Cross se remémore particulièrement un reportage effectué en 2008 à Lahore, au Pakistan, au cours duquel Claude Verlon était parvenu à envoyer à la hâte un reportage via faisceaux satellitaires, grâce à des "bizarreries techniques". Un récit, qui colle à la réputation "d’as de la technique" du journaliste.
"Nous allons retourner au Mali"
Toutefois, au-delà des souvenirs du passé, les journalistes de RFI, qui ont reçu dimanche, une visite de soutien du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’attachent à préparer l’avenir. Et notamment les futures élections législatives au Mali, qui auront lieu le 24 novembre prochain. "On doit bien couvrir ces élections au Mali, sans mettre de vies en danger, mais ne pas donner le dernier mot aux assassins", affirme ainsi Marie-Christine Saragosse, la directrice de France Médias Monde, l’organisme qui chapeaute RFI, à l’attention des journalistes de la rédaction.
À l’annonce de la mort des deux journalistes, RFI a décidé d’annuler les émissions spéciales du 7 novembre prochain, pour lesquelles Ghislaine Dupont et Claude Verlon s’étaient rendus à Kidal.
"À très court terme, les ravisseurs ont gagné, parce que cette antenne spéciale est annulée, mais nous allons rester au Mali, nous avons deux correspondants là-bas. Et nous allons retourner au Mali", promet, quant à lui, Nicolas Champeaux.