
Dans un entretien accordé à FRANCE 24, le vice-Premier ministre syrien limogé le 29 octobre par le président Bachar al-Assad revient sur son rôle au gouvernement et sur la conférence de paix Genève-2 à laquelle il compte bien participer.
Il n’est pas très surpris ni vraiment déçu. Limogé par le président Bachar al-Assad le 29 octobre dernier, le vice-Premier ministre syrien Qadri Jamil revient pour FRANCE 24 sur sa mise à l’écart. "Je n’ai pas encore été informé directement et de façon officielle, mais je crois bien que c’est vrai", ironise depuis Moscou, où il se trouve depuis plusieurs semaines, celui qui se revendique comme un opposant de la première heure.
Ancien membre du Parti communiste, Qadri Jamil a fondé en 2002 le parti de la Volonté du peuple, qui a participé aux manifestations pacifiques contre le régime en mars 2011 et appelé à un changement radical. Avec d'autres partis, il a également formé le Front populaire pour le changement et la libération en vue des élections législatives du 23 juin 2012, avant de rejoindre finalement le gouvernement comme vice-Premier ministre.
"Je suis entré au gouvernement en tant qu’opposant"
À ceux qui lui reprochent de ne pas avoir pris ses distances avec le régime avant son limogeage, Qadri Jamil leur oppose, qu’il n’a jamais fait partie du régime en tant que tel. "J’appartiens à un parti d’opposition le Front populaire pour le changement et la libération. Nous sommes libres et indépendants, nous l’avons toujours été et nous le resterons", martèle-t-il expliquant que sa participation au gouvernement n’a jamais signifié un quelconque ralliement au régime de Damas.
A ce sujet Qadri Jamil est très clair. "J’ai rejoint le gouvernement en tant qu’opposant dans une logique d’union nationale pour œuvrer à la réconciliation et trouver une issue politique à la crise en Syrie", explique-t-il. "Nous avons toujours été conscients du fait qu’il s’agirait d’une étape exceptionnelle et temporaire. Il semble que l’expérience ait atteint aujourd’hui son terme et de façon assez logique", poursuit l’homme qui était officiellement chargé par le régime des affaires économiques.
Il n’hésite pas à prendre pour exemple l’Histoire de France. "Je me souviens qu’en 1945, un gouvernement d’union nationale a été formé pour surmonter les conséquences de la guerre. Les communistes y avaient même participé sous l’égide du général De Gaulle. C’est dans cette logique que nous avons accepté d’entrer au gouvernement", explique celui qui aujourd’hui encore œuvre en faveur du dialogue.
"Genève-2 a déjà commencé"
Car c’est bien pour préparer la conférence de paix Genève-2 qu’il se trouve à Moscou, un déplacement que le régime lui reproche précisément. "Je suis ici pour remplir une mission dont mon parti m’a mandaté. Et en effet je prépare la conférence de paix de Genève-2 qui revêt une importance cruciale", affirme Qadri Jamil qui reconnaît avoir été convié à une entrevue informelle organisée par Moscou entre Lakhdar Brahimi, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe, et des membres de l’opposition syrienne.
Il pointe toutefois du doigt "un problème avec Genève-2". Selon lui, la communauté internationale souhaite que l’opposition syrienne ne soit représentée que par une seule délégation. En effet, dans un communiqué rendu public mercredi 30 octobre, le quai d’Orsay rappelle que les négociations devront avoir lieu entre une délégation unique du régime syrien et une délégation unique de l’opposition, dont la Coalition nationale syrienne devra constituer le cœur et la tête en tant que représentant légitime du peuple syrien.
Or, pour ce membre de l’opposition de l’intérieur, que l’on qualifie également de "tolérée", "l’opposition syrienne est multiple et doit le rester à l’image de ce que sera la Syrie de demain". Il reproche par ailleurs aux pays occidentaux, qui eux connaissent démocratie et pluralité, d’insister pour que l’opposition syrienne s’unifie absolument. "Nous voulons précisément en finir avec le parti unique", s’indigne-t-il.
Pour lui la conférence de Genève-2, dont beaucoup d’observateurs craignent qu’elle n’ait jamais lieu tant à la fois le régime et l’opposition se montrent réticents à s’y rendre, a déjà commencé. "Toutes les tractations et réunions de préparation qui ont lieu font partie de ce qu’on appelle Genève-2". Pour sa part, il ne pose pas comme condition préalable au dialogue le départ d’Assad. "Tout le monde sait parfaitement qu’Assad ne quittera jamais le pouvoir avant la fin de son mandat. Demander son départ comme condition revient à bloquer les négociations." La Coalition nationale syrienne, principale instance de l’opposition reconnue par la communauté internationale, refuse en effet que Assad puisse avoir un quelconque rôle dans une éventuelle transition démocratique en Syrie.