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Turquie : des députées se présentent voilées au Parlement

Trois députées turques de l'AKP, formation islamo-conservatrice du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, se sont présentées voilées au Parlement. Une première qui fait craindre à l'opposition une remise en cause de la laïcité.

C’est une nouveauté dans le pays. Trois députées de l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir, ont assisté voilées à une séance du Parlement.  Jamais depuis 1999, une parlementaire n’avait osé se couvrir la tête dans l'hémicycle. Et, à l’époque, la députée en question, Merve Kavakci, avait été expulsée.

Les députées, qui avaient préalablement annoncé leurs intentions, espèrent faire école. "Nous allons assister au début d’une ère importante, et nous jouerons un rôle moteur, nous serons des porte-drapeaux, c’est très important", a dit à Reuters Nurcan Dalbudak, une des quatre élues.
Elles ont été élues aux élections législatives de 2011 sur les listes de l’AKP, la formation du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a aboli au début du mois d'octobre l'interdiction de porter le foulard islamique dans la fonction publique.
Le voile au cœur du conflit entre laïcité et islam politique
La question du voile est hautement symbolique en Turquie où elle cristallise l’opposition entre les élites laïques, qui envisagent le voile comme une insulte aux piliers de la république turque, et les tenants de l’islam politique qui invoque les libertés publiques.
Aucun texte n’interdit spécifiquement le port du voile au Parlement. Pour autant, le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation de l’opposition laïque, a annoncé qu’il contesterait l’initiative des députées. "Tous nos membres sont d’accord pour dire qu’il s’agit d’une exploitation de la religion par l’AKP", a dit à Reuters la députée Dilek Akagün Yilmaz. "Nous ne resterons jamais silencieux face à des actes visant à éliminer le principe de la laïcité", a-t-elle ajouté.
Erdogan a pour sa part demandé aux parlementaires de respecter la décision de leurs quatre collègues. "Il n’y a aucun règlement au Parlement qui l’interdise et chacun doit respecter la décision de nos sœurs sur ce sujet, a-t-il dit. Elles ont été élues par la nation et elles représentent la nation devant le Parlement."
Un risque d'"islamisation" de la société ?
Recep Tayyip Erdogan avait été fortement ovationné par ses députés lorsqu’il avait présenté, le 30 septembre, la disposition interdisant aux femmes de porter le foulard islamique dans la fonction publique.
La principale formation de l’opposition laïque avait alors fait part de son inquiétude. Accusé de vouloir "islamiser" la société avec des références de plus en plus visibles à l'islam, le parti gouvernemental avait déjà suscité une vague de contestation au sein des milieux laïcs après plusieurs dispositions surtaxant l'alcool et restreignant sa vente et sa consommation, bannie par l'islam.
En juin, 2,5 millions de personnes ont protesté dans les rues contre la politique autoritaire d'Erdogan, une fronde sans pareille depuis que l'AKP a pris les rênes de la Turquie en 2002.

Avec dépêches