Après de vifs échanges autour du Saraha occidental, le Maroc a rappelé son ambassadeur à Alger. Rabat estime que l'Algérie multiplie les déclarations sur le non respect des droits de l'Homme dans cette région, disputée entre le Maroc et le Polisario.
La tension diplomatique est au plus haut depuis le début de la semaine entre le Maroc et l’Algérie. Rabat a annoncé mercredi avoir rappelé son ambassadeur à Alger pour consultation, suite aux récentes déclarations du président algérien Abdelaziz Bouteflika sur le Sahara occidental, région disputée entre le Royaume chérifien et le Front polisario, mouvement indépendandiste créé en 1973.
"Cette décision fait suite à la multiplication des actes de provocation et d'hostilité de l'Algérie et plus particulièrement le discours lu au nom de M. Bouteflika, lundi, lors d'une conférence sur le Sahara à Abuja", a indiqué le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l'agence officielle MAP. "Ce message du président algérien, au contenu volontairement provocateur et aux termes foncièrement agressifs, illustre (une) volonté délibérée d'escalade", a ajouté le ministère.
"Violations massives des droits de l’Homme"
Selon le Maroc, le chef d’État algérien, qui soutient le Front polisario, a délibérément mis le feu aux poudres en se positionnant pour l’élargissement du mandat de la Minurso, (La Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental) présente depuis 1991 pour surveiller le cessez-le-feu. Dans un message lu en son nom, le 28 octobre lors d’une Conférence africaine de solidarité avec la cause sahraouie organisée au Nigeria, Abdelaziz Bouteflika a ainsi pris fait et cause "pour une prise en charge par les Nations unies de la surveillance des droits de l’Homme au Sahara", alors que le Maroc s’oppose catégoriquement à cette mesure. Le président algérien a également déclenché la colère de son voisin en dénonçant les "violations massives et systématiques des droits de l’Homme, qui ont lieu à l’intérieur des territoires occupés".
Les relations entre les deux pays sont affectées depuis de nombreuses années par cette question du Sahara occidental. Alors que le Maroc revendique la souveraineté de cette ex-colonie espagnole qu'il contrôle depuis 1976, l’Algérie soutient les Saharaouis du Front polisario, qui réclame l’indépendance de ce territoire.
Le Sahara occidental bordé par la province marocaine de Tarfaya au nord, l'Algérie au nord-est et la Mauritanie à l'est et au sud
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Appel à la retenue
Face au rappel de l’ambassadeur marocain, Alger tente de calmer le jeu. Le ministre des Affaires étrangères a ainsi appelé mercredi ses "frères marocains à la retenue", tout en dénonçant le caractère "irresponsable et inadmissible" de leur décision. Dans la presse algérienne, cette réaction a également été vivement critiquée. Pour le quotidien "Liberté", Rabat n’a aucune raison d’être surpris car le chef de l’État algérien a, à plusieurs reprises, "renouvelé son soutien à la cause saharaouie". Comme le note ce journal, ce regain de tension intervient finalement à un moment bien particulier soit "une semaine après la troisième tournée de l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU, Christopher Ross, favorable à la prise en considération de la question des droits humains dans la région". Ce dernier doit d’ailleurs présenter son rapport cette semaine devant le Conseil de Sécurité de l’ONU.
Plus virulent encore, le quotidien "l’Expression" estime que "la réaction surprenante du Maroc", montre que "le Royaume de Sa Majesté est aux abois". Le journal algérien estime que ces déclarations d’hostilité marocaines à l’égard de l’Algérien visent finalement "à faire oublier aux Marocains leurs difficultés quotidiennes en recourant à la théorie du complot extérieur".
De son côté, le Maroc répond avec les mêmes arguments. Interrogé par le journal "Aujourd’hui", Mohamed Benhamou, professeur des relations internationales à la faculté de droit de Salé et président du centre marocain des études stratégiques (CMES), explique que l'hostilité algérienne à l'égard du Maroc est aussi un choix stratégique pour mieux dissimuler des problèmes internes : "L'Algérie traverse une période décisive à quelques mois d'une élection présidentielle sur laquelle plane une grande confusion, du fait qu'un président tente de briguer un nouveau mandat en dépit de son état de santé détérioré".
Pour l'heure, Rabat rappelle toutefois que durant la période de consultation de l’ambassadeur marocain, les relations ne sont pas rompues entre les deux pays.