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Un amendement adopté à l’Assemblée nationale augmente la taxation d’une partie des épargnants. Surtout, l’opposition dénonce un texte à effet "rétroactif". C’est faux, mais la nouvelle mesure peut affecter la confiance des investisseurs.

Ils se sont levés comme un seul homme. L’opposition est montée au créneau, mercredi 23 octobre, pour critiquer “l’État spoliateur et injuste” qui venait par 66 voix contre 22 d’obtenir l’adoption d’un amendement rehaussant pour certains contrats d’épargne le taux des prélèvements sociaux à 15,5%.

Une nouvelle règle qui touchera certains contrats d'assurance-vie, plans d'épargne en actions (PEA) et plans d'épargne logement (PEL). L’État espère récupérer ainsi 600 millions d’euros dont 450 millions qui doivent contribuer à combler le trou de la sécurité sociale. Selon le gouvernement, il s’agit d’une “mesure de justice fiscale” pour tenter de réduire le déficit car elle s’attaque aux produits de placements financiers - censés être la chasse gardée des plus hauts revenus - et non pas directement aux revenus.

L’opposition ne voit pas du tout les choses de la même manière. Principal reproche des députés de l’UMP et du centre : cette nouvelle mesure serait “rétroactive” ! C’est, d’après eux, une "trahison" de l’État, puisque "les gens ne pouvaient pas anticiper la rétroactivité".

Le texte adopté peut en effet donner cette impression. Il vise tous les placements d’épargne contractés depuis 1997. Mais il y a, en fait, un énorme malentendu. “Tous ceux qui parlent de rétroactivité se trompent”, assure à FRANCE 24 Druon Delot, un avocat parisien spécialisé en droit fiscal. Évoquer une prétendue “rétroactivité” suggère que le gouvernement fait quelque chose d’illégal. “La Constitution protège, en effet, les citoyens contre la rétroactivité de la loi”, rappelle ce juriste.

Un problème d’insécurité fiscale

L’amendement est, en fait, un texte “rétrospectif”. Un terme beaucoup moins évocateur et à l’impact potentiel moins dévastateur pour le gouvernement. Il ne s’agit pas, en outre, que d’une subtilité sémantique. Une mesure rétroactive permettrait au Trésor d’aller prélever un impôt sur les intérêts versés chaque année aux épargnants depuis 1997. “Cela ouvrirait la porte à une cascade de redressements fiscaux”, note Druon Delot. En fait le texte se contente d’instaurer à compter de septembre 2013 le nouveau taux aussi bien aux nouveaux contrats souscrits qu’aux anciens.

Sur ce point, l’opposition a donc tout faux. Là où elle fait davantage mouche c’est lorsqu’elle évoque “une insécurité juridique et fiscale tout à fait néfaste”. “En Allemagne, par exemple, les nouveaux régimes fiscaux ne vont pas s’appliquer aux contrats déjà en cours, c’est une question de confiance”, affirme Druon Delot. Pour lui, lorsqu’un “investisseur place son argent dans un produit d’épargne à long terme, il doit pouvoir raisonnablement s’attendre à bénéficier des mêmes règles tout le long du contrat”.

Sans cela, les épargnants “risquent de perdre confiance dans le législateur et, dans certains cas, aller placer leur argent à l’étranger”, regrette ce fiscaliste pour qui toutes les mini-réformes fiscales en cascade qui se sont succédée ces derniers mois créent un climat très néfaste à l’investissement en France.