Alors que les négociations pour sortir de l’impasse budgétaire piétinent, certains analystes assurent qu’un amendement de la Constitution permettrait à Barack Obama de se passer de l’accord du Congrès pour relever le plafond de la dette.
Il reste moins de 24 heures à l’administration Obama pour obtenir un accord du Congrès afin de relever le plafond de la dette américaine et éviter ainsi un défaut de paiement. Pourtant, mercredi 16 octobre, la situation demeurait bloquée. Le président des États-Unis a rejeté une proposition de sortie de crise des républicains, qu’il a qualifiée de "partisane". Un autre plan, élaboré par des représentants des deux parties, est condamné à échouer face à l’opposition de la frange la plus radicale des républicains.
La mécanique se grippe, une impasse politique se profile. Face à l’imminence d’une crise économique et institutionnelle majeure, plusieurs commentateurs politiques ont appelé la Constitution à la rescousse. Selon eux, la situation n’est pas si dramatique : la loi fondamentale américaine, plus précisément son 14e amendement (section 4), permettrait à Barack Obama de s'asseoir sur l’avis du Congrès.
Qualifié de “bombe nucléaire budgétaire” ou de “munition magique” à disposition du président des États-Unis, ce texte affirme que “la validité de la dette publique des États-Unis [... ] ne peut pas être remise en cause”. En clair, le chef de l’État doit s’assurer que son pays honore ses factures auprès de ses créanciers, quelques soient les circonstances. Si le Congrès refuse d’augmenter le plafond de la dette publique, le Trésor américain n’aurait, alors, qu’à continuer d’emprunter de l’argent, comme si de rien n’était. À défaut, l’exécutif violerait la Constitution.
Tea Party, Confédérés, même combat ?
Le défenseur de cette thèse affirme que cet amendement a, en outre, été rédigé exactement pour éviter le genre de crise en cours à Washington. Le texte, qui remonte à 1866, a été “pensé pour éviter qu’une minorité, telle que les sympathisants de la cause des Confédérés à la fin de la guerre civile [américaine], puisse prendre les discussions budgétaires en otage pour se venger du président ou obtenir un avantage partisan”, explique Brianne Gorod, une juriste américaine membre du Centre de responsabilité constitutionnelle, un cercle de réflexion proche des démocrates. À en croire cette analyse, les républicains proches du Tea Party seraient donc les Confédérés d’aujourd’hui.
Ce n’est pas la première fois que le spectre du 14e amendement plane sur les débats budgétaires américains. En 2011, peu avant qu’un accord de la dernière heure ne soit trouvé pour rehausser le plafond de la dette, le recours à ce texte avait même été évoqué par Timothy Geithner, secrétaire du Trésor de l’administration Obama de l’époque.
Pourtant, le 9 octobre, Barack Obama a explicitement écarté l’éventualité de s’abriter derrière la Constitution pour passer outre une opposition du Congrès. Les arguments contre l’utilisation du 14e amendements sont, en effet, aussi importants que ceux qui en défendent l’usage.
"Trilemne budgétaire"
D’abord, le président ne peut pas, légalement, augmenter la dette, accentuer la pression fiscale ou décider de coupes budgétaires sans l’accord du Congrès. C’est lui qui tient les cordons de la bourse américaine et l’émission d’éventuels "bons du Trésor d’initiative présidentielle" seraient, à ce titre, inconstitutionnelle. "Si le président commence à s’accaparer des prérogatives budgétaires du Congrès, qu’est-ce qui l’empêchera ensuite de le priver de tout pouvoir ?", note, ainsi, Lawrence H. Tribe, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Harvard.
En outre, même si le recours à cet amendement est théoriquement séduisant, il est, pour certains, pratiquement sans intérêt. "Les investisseurs risquent de ne pas vouloir de ces bons du Trésor créés sans avoir été autorisés par le Congrès, car leur validité légale serait très discutable", affirme ainsi Jack Balkin, professeur d’économie à l’Université de Yale. D’après lui, le président ne serait donc même pas capable d’emprunter l’argent nécessaire à payer les dettes, s’il décidait de faire jouer le 14e amendement.
Si le blocage persiste et plonge les États-Unis dans le chaos budgétaire, Barack Obama se retrouverait face à ce que les constitutionnalistes Neil Buchanan et Michael C. Dorf appellent le "trilemne" budgétaire. Il serait obligé de choisir entre trois solutions anticonstitutionnelles : décider unilatéralement d’augmenter les taxes et de couper dans les dépenses, ne pas payer ses créanciers, ou alors ignorer le plafond de la dette et continuer à emprunter de l’argent en se fondant sur le 14e amendement. Cette dernière option est, d’après les deux universitaires, la "moins pires des options". Reste la dernière possibilité, probablement la plus plausible : un accord de dernière minute.