La maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, Samia Ghali, est arrivée en tête du premier tour des primaires PS dans la deuxième ville de France. Un score surprise pour cette outsider, dont les méthodes laissent certains perplexes. Portrait.
Perchée sur ses talons hauts, Samia Ghali lorgne les municipales de 2014 à Marseille. Forte du bon score recueilli lors du premier tour des primaires PS dans la ville phocéenne, cette outsider réputée pour son franc-parler a réussi, dimanche 13 octobre, le tour de force d’éliminer de la course la candidate favorite, la ministre Marie-Arlette Carlotti.
Cette popularité surprise, la sénatrice-maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille l’a acquise à force de sourires chaleureux et de travail sur le terrain. Car cette Marseillaise de 45 ans est une figure de la ville. De son enfance miséreuse passée dans les banlieues sensibles de la deuxième ville de France, elle a appris la ténacité, comme elle le raconte dans son autobiographie. Élevée par ses grands-parents immigrés algériens, Samia Ghali souffre, enfant, de l’absence de son père, et du désintérêt de sa mère à son égard. "Pour survivre, il faut serrer les poings", lance-t-elle désormais.
Une enfant des quartiers nord
"Moi, les diplômes, c’est dans la rue que je les ai obtenus", affirme-t-elle encore, coupant l’herbe sous le pied de ceux qui oseraient moquer son parcours dépourvu d’expériences universitaires. Samia Ghali a en effet arrêté ses études après un CAP de secrétariat comptabilité, et s’est consacrée à la politique dès ses 16 ans, alors que, dans son entourage, la drogue faisait des ravages.
En 1995, elle accède au poste de conseillère d’arrondissement, en 2001 de conseillère municipale, puis de vice-présidente de la région en 2004. Enfin, en 2008, elle est élue dès le premier tour maire du 8e secteur, son secteur, et accède au Sénat.
L’armée à Marseille : une proposition choc
Depuis cette victoire, Samia Ghali s’est faite connaître au niveau national par une sortie, survenue à l’été 2012. "Aujourd'hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n'y a que l'armée qui puisse intervenir", avait-elle lâché dans les colonnes de "La Provence", à la suite d’un nouveau règlement de comptes meurtrier. Une proposition choc, qui avait bousculé les plus hautes sphères de l’État. En août dernier, elle a réitéré ce besoin de mesures concrètes à Marseille : "Il y a un an, j'ai tiré une sonnette d'alarme. Je m'aperçois qu'un an plus tard, jour pour jour, la situation n'a malheureusement pas beaucoup évolué."
Désormais résidente d’un quartier chic dans le sud de la ville, Samia Ghali la "courageuse", comme l’indique son slogan de campagne, se veut l’emblème du rapprochement des deux Marseille. "Je veux être la maire de Marseille qui fera que le nord et le sud se réunissent, je veux tuer le désespoir de cette ville", avait-elle déclaré, peu avant la confirmation officielle de sa victoire.
"Digne des pires républiques bananières"
Toutefois, l’image de politicienne au poing levé pourrait bien être entachée par des soupçons de fraudes, soulevés jusque dans son propre camp politique. La candidate malheureuse, Marie-Arlette Carlotti, a ainsi vivement dénoncé, au lendemain du résultat, "un fonctionnement à plein régime du clientélisme" lors de cette campagne, "avec des dizaines de minibus, qui sillonnent la ville, des échanges d'argent." Une organisation qualifiée de "paramilitaire" par la ministre, non sans une petit référence à l’ancienne proposition choc de sa rivale.
Des accusations tempérées par la Haute autorité des primaires : "C'est moralement condamnable, mais pas juridiquement". Mais, du côté du FN, on formule les mêmes critiques. Pointant des problèmes d'organisation et des accusations de fraudes, le conseiller régional frontiste et candidat aux élections municipales, Stéphane Ravier, a fustigé, lundi, un spectacle "digne des pires républiques bananières".
En outre, la "Ségolène Royal de Marseille", comme la surnomment certains membres du gouvernement, est une proche du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, mis en examen dans des affaires politico-financières. "Je n'oublie pas qu'il m'a fait confiance", dit-elle de l’homme politique, qu’elle qualifie de mentor. Une épine dans le pied de la candidate, tant Guérini est tombé en disgrâce dans les rangs des socialistes, dont beaucoup réclament son exclusion du parti. Sur cette question, Samia Ghali, elle, botte en touche, expliquant qu'elle n'est ni juge, ni procureure.
L’ombre de l’ancien homme fort de Marseille devrait ainsi planer sur le second tour des primaires, alors que Patrick Mennucci, l’adversaire de Samia Ghali, se présente lui comme un "anti-guériniste" convaincu.