Face à la crise, de plus en plus de Grecs cherchent à s’installer en Allemagne. À Berlin, cette communauté grandit rapidement, malgré les commentaires désobligeants d’une certaine presse à l’égard de leur pays et les obstacles à l’installation.
C'est l'une des conséquences du "miracle" économique dont se targue Angela Merkel pour briguer un troisième mandat aux législatives allemandes de dimanche 22 septembre. L'Allemagne attire. Elle est devenue, d'après l'OCDE, la destination de prédilection des candidats à l'immigration en provenance des pays du sud de l'Europe. Notamment parmi les Grecs, dont le nombre qui arrive chaque année a doublé depuis 2010, passant de 8 200 à 16 000, rappelle le quotidien "Tageszeitung".
Cette réalité, Makis Tsamalikos, 32 ans, et Maria Oikonomidou, 29 ans, les deux responsables de l'association hellénique de Berlin, la vivent au quotidien. Installés dans le quartier de Steglitz, au sud-ouest de la ville, dans une vieille bâtisse qu'ils partagent avec une crèche germano-grecque, ils accueillent chaque semaine plus de vingt nouveaux immigrés venus de Grèce. “C’est sans compter tous ceux qui ne passent pas par chez nous”, souligne Maria Oikonomidou.
“Les deux dernières années, le flux était encore plus important, mais ils ont enfin compris que ce n’est plus aussi facile que ça de s’installer à Berlin”, souligne Makis Tsamalikos, qui a immigré en 2006, avant l’éclatement de la crise grecque. Sans compter que les dérapages de certains tabloïds allemands, qui ont fait des Grecs leur nouvelle tête de Turc économique, a pu refroidir l’envie de certains candidats à l’immigration vers l’Allemagne.
C’était mieux avant
Mais il est vrai que l’exemple des 14 000 Grecs qui vivaient à Berlin avant 2010 a pu être un puissant stimulant pour leurs compatriotes, poussés à l’immigration par l’effondrement de l’économie de leur pays. Ainsi, pour Orsalia Partheni, l’installation a été une sinécure comparée au parcours du combattant qui attend les immigrés de fraîche date. Elle est arrivée en 1989, après avoir fait des études d’allemand dans son pays natal. “Je n’ai eu aucun problème d’intégration”, reconnaît cette femme qui travaille comme traductrice agréée auprès des administrations allemandes.
Des récits comme celui-ci, la perspective de vivre dans un pays doté d’une économie solide et surtout “un coût de la vie bien moins cher ici qu’à Athènes”, souligne Makis Tsamalikos : autant de facteurs qui pèsent plus que toutes les unes aux relents anti-Grecs du quotidien populaire “Bild”. Surtout, comme le rappelle le jeune homme, ce genre de discours qui frôle la xénophobie n’a que peu d’écho dans une ville aussi imprégnée de multiculturalisme que Berlin. Reste que, reconnaît Maria Oikonomidou, “certains font des blagues pas franchement drôles à ce sujet”.
Mais la situation actuelle n’a plus rien à voir avec cet âge d’or qu’à connu Orsalia Partheni, où comme le rappelle le quotidien allemand “Die Zeit”, les Grecs étaient “les plus appréciés des étrangers en Allemagne”. Pour se rendre compte du changement, il suffit de regarder la répartition géographique de la communauté grecque. Orsalia Partheni, comme une partie des immigrés venus il y a plus de 20 ans, habite à Charlottenburg, le quartier cossu de Berlin-Ouest. Les nouveaux arrivants, quant à eux, sont repoussés vers les quartiers beaucoup moins huppés comme Wedding, Friedrichshain ou Schöneberg.
Logement, sacré Graal
Et encore, ceux qui ont pu trouver un logement peuvent s’estimer chanceux. Car c’est devenu un sésame d’autant plus précieux qu’il est difficile à décrocher. Même à Berlin, où les loyers restent moins élevés que dans d’autres grandes villes allemandes. “À mon époque, il suffisait d’apporter une lettre d’un parent ou d’un proche en Grèce qui acceptait de se porter garant”, se souvient Makis Tsamalikos. Mais depuis la crise, les propriétaires allemands “ne font plus confiance à ces bouts de papier et exigent de voir un contrat de travail”. Et comme il faut avoir un logement pour pouvoir décrocher un poste… “C’est le cercle vicieux dans lequel beaucoup de nouveaux immigrés grecs se trouvent piégés”, ajoute Maria Oikonomidou.
Un cercle vicieux qui touche avant tout les personnes sans formation venues seules, et qui croyaient, au pire, pouvoir travailler dans les cuisines d’un des restaurants grecs de la ville. Erreur : “c’est un scénario qui ne fonctionne plus du tout aujourd’hui”, assure Makis Tsamalikos. Certes, en 2004, Berlin comptait environ 600 restaurants grecs, mais “un grand nombre d’entre eux ont mis la clef sous la porte [à cause notamment de la hausse des loyers, NDLR]”, précise le jeune homme.
Des immigrés qui, bien souvent, sont alors obligés de repartir en Grèce. Mais ils ne forment pas la majorité des nouveaux venus. “Ce sont avant tout des familles entières qui arrivent”, remarque Makis Tsamalikos. Il y a aussi de plus en plus de Grecs diplomés et hautement qualifiés, qui cherchent à s’installer à Berlin. Ces derniers peuvent, avec un peu de ténacité, “avoir une vie meilleure ici qu’en Grèce”, assure Makis Tsamalikos. “De toute façon, ça peut difficilement être pire”, complète Maria Oikonomidou.