, envoyé spécial à Berlin – À l'approche des législatives, dimanche, les sondages indiquent que les jeunes Allemands soutiennent majoritairement la CDU de Merkel. Comment le boom économique a-t-il fait pencher les jeunes à droite ? Paroles d’Allemands de moins de 30 ans.
La gauche allemande ne peut même plus faire confiance aux jeunes, pourtant traditionnellement peu enclins à voter à droite. Les moins de 18 ans sont ainsi 27% à préférer Angela Merkel à son adversaire de la SPD, Peer Steinbrück qui ne recueille que 20% d’adhésion, selon un simulacre d’élections générales allemandes auquel ont participé, vendredi 13 septembre, 150 000 jeunes à travers toute l’Allemagne. C’est la première fois depuis 2002 que le coeur des moins de 18 ans penche à droite.
Heureusement pour Peer Steinbrück et la gauche, ils n’ont pas encore le droit de voter dimanche 22 septembre pour les législatives. Mais les Allemands âgés de 18 à 30 ans ne sont pas beaucoup plus cléments avec le SPD. D’après un sondage réalisé cet été par le magazine allemand “Focus”, cette tranche d’âge préfère désormais aussi la CDU à la SPD. Le parti de la chancelière sortante devance son adversaire social-démocrate de deux points (14% contre 12%). Reste que les deux formations traditionnelles allemandes n’arrivent pas aux chevilles du Parti Pirate (30%) qui défend un Internet libre, où télécharger et partager des films et de la musique ne pourrait en aucun cas être illégal.
Ailleurs c'est moins rose
Alors, heureux qui comme un jeune allemand vit dans la première puissance économique européenne à l’heure où Angela Merkel brigue son troisième mandat ? “Il est clair que nous vivons dans une économie stable, qu’on ne manque de rien et qu’on peut avoir à peu près tout ce qu’on désire”, souligne Christina Bocklisch, une scientifique de 30 ans qui vit à Berlin. “On ne peut pas se plaindre d’habiter dans un pays où le niveau de chômage est aussi bas”, ajoute Fabian Bentley, 26 ans, assistant technique dans un hôpital berlinois.
Ce sentiment de satisfaction est renforcé, pour ces deux jeunes, par l'impression qu’ailleurs, notamment en Europe, la situation est beaucoup moins rose. “Il faut toujours relativiser et si on relativise par rapport à d’autres pays, l’Allemagne est un bon endroit pour être jeune en ce moment”, note Christina Bocklisch. D’ailleurs, les habitants des autres pays semblent d’accord. Une enquête publiée en mai par deux instituts britanniques de recherche plaçait l’Allemagne au sommet des pays les plus appréciés et respectés au monde. “C’est un résultat qui m’a surpris, je pensais qu’on nous percevait toujours comme rudes et ordonnés avant tout”, s’étonne Jessica Unger, une Berlinoise de 25 ans.
Fiers d'être Allemands ?
Le succès économique de l’Allemagne a eu un autre effet bénéfique pour ces jeunes : il aurait permis en partie de remplacer un anti-germanisme qui trainait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par une forme d’admiration. De quoi permettre à la jeune génération d’être liberée du poids de son passé ? Que nenni répondent Christina, Fabian
ou Jessica. “Je ne pense pas que j’irais dire à l’étranger que je suis fière d’être Allemande, j’aurais trop peur de devoir encore me justifier à propos de ce qui s’est passé durant la Seconde Guerre mondiale”, assure Jessica Unger. Christina Bocklisch est du même avis. “Les seules fois où les jeunes Allemands vont dire ouvertement au monde qu’ils sont fiers de leur pays ce sont lors d’occasions très spéciales comme la Coupe du monde de football en 2006”, souligne-t-elle. “On nous rappelle ce passé à la première occasion, comme lors des manifestations en Grèce où la politique allemande était comparée au nazisme”, remarque Fabian Bentley.
Ils sont d’ailleurs tous conscients que la politique économique prônée par Angela Merkel au niveau européen passe mal dans certains pays, notamment au sud de l’Europe. Que les préceptes de la chancelière, à base d’austérité, peuvent être perçus comme une forme d’impérialisme économique. “Il existe un risque qu’en terme de réputation l’Allemagne subisse un retour de flamme”, reconnaît Christina Bocklisch. Mais la jeune femme n’en tient pas rigueur au gouvernement car “c’est quelque chose qui doit être fait et en la matière, les Allemands sont pragmatiques”.