Lassés par le pessimisme dans les médias et la bande dessinée, deux auteurs de BD se lancent dans un challenge : proposer des reportages, des enquêtes et des chroniques tout en dessin. Le premier numéro de la "Revue Dessinée" sort le 12 septembre.
Lancer une revue papier, à l’heure où la presse va mal et où les journaux peinent à survivre, est un sacré pari. Mais le dessinateur Franck Bourgeron et le scénariste Sylvain Ricard, tous deux auteurs de bande-dessinée, en avaient assez "du marasme" dans le secteur de la BD, "des conditions de travail, du truc moribond qui s’est installé dans le secteur", raconte le co-fondateur de la "Revue Dessinée", Sylvain Ricard.
Décidés à trouver une alternative, ils engagent un brain-storming il y a deux ans, alors qu’ils reviennent du festival de BD de Darnétal, en Normandie. Et pleins d’optimisme, ils se lancent dans la création de la "Revue dessinée" qui fait le pari de raconter des enquêtes, des reportages et des chroniques par le biais du dessin. Le premier numéro de cette revue trimestrielle sortira le jeudi 12 septembre (228 pages, 15 euros).
"Nous sommes imprégnés de BD politique et sociale, et nous n’avions pas la place pour des formats courts ou moyens dans une structure classique d’album", explique Sylvain Ricard. "Nous aimons les revues qui ont été créées par des auteurs, comme Métal Hurlant. Alors on s’est lancés dans l’aventure."
Pont entre dessinateurs et enquêteurs
Une plongée dans l’inconnue, mais pas sans bagage ni parachute : Franck Bourgeron a longtemps travaillé dans le dessin animé avant de passer à la bande dessinée et de concevoir, en 2003, l’album "Extrême Orient" (éditions Vents d’Ouest), avant d’entrer chez Futuropolis, filiale BD de Gallimard, pour dessiner "Aziyadé" (2007), sur un roman de Pierre Loti, et écrire les albums "La Sainte Trinité" (2008) et "L’Obéissance" (2009). De son côté, Sylvain Ricard est un scénariste de BD qui s’est consacré à sa passion après vingt ans dans la génétique. Il a écrit notamment "Mother Fucker" (Futuropolis, 2013), sur le mouvement des Black Panthers aux États-Unis. Auparavant, il s’est penché sur la vie en milieu carcéral en France, la guerre au Liban, la violence conjugale…
En s’entourant d’un réseau de journalistes et d’auteurs BD, Sylvain Ricard et Franck Bourgeron se lancent dans la revue numéro un de la "Revue Dessinée", qui propose une enquête sur les pionniers du gaz de schiste, une plongée dans les communautés congolaise et rwandaise à Bruxelles, un long voyage dans les eaux de l’hémisphère sud à bord d’une frégate de la marine nationale, une chronique musicale sur le compositeur Moondog né au Kansas en 1916, sans oublier des pages d’économie, de sport, de nouvelles technologies… toujours en bande dessinée.
Rivalisant avec la revue XXI, la "Revue Dessinée" ambitionne d’atteindre un public fan de BD, qui cherche des contenus sur "l’information crue, qui se passe en bas de chez soi", selon Sylvain Ricard. Tous les auteurs, journalistes, dessinateurs sont les bienvenus. Sachant qu’ils seront tous payés au même tarif : 150 euros la page.
Avec Futuropolis au capital, et des partenaires comme France Info, Mediapart, l’INA et la bibliothèque du Centre Pompidou, pas de doute que la "Revue Dessinée" est bien adossée. Déjà deux des récits de la première revue ont trouvé preneur pour un album grand format.