
Lors d'une conférence de presse franco-britannique consacrée à l'enquête sur la tuerie de Chevaline, survenue il y a un an, le procureur d'Annecy a évoqué vendredi la piste de l'espionnage industriel et du transfert de technologies.
Le 5 septembre 2012, une famille britannique d’origine irakienne ainsi qu’un cycliste de la région - probablement une victime collatérale - étaient retrouvés criblés de balles sur un chemin forestier à Chevaline, en Haute-Savoie. Presque un an jour pour jour après ce quadruple meurtre (seules deux petites filles ont survécu), le coupable n’a toujours pas été identifié. Mais si la piste familiale reste privilégiée, vendredi 6 septembre 2013, le procureur d’Annecy en charge du dossier, Éric Maillaud, a évoqué celle de "l'espionnage industriel et du transfert de technologies" lors d’une conférence de presse franco-britannique.
Une des quatre victimes, le père de famille Saad al-Hilli, avait en effet "en sa possession beaucoup plus de données que son seul emploi ne justifiait", a déclaré Éric Maillaud. "Pour l'instant, on nous dit que tout ça n'avait pas de véritable valeur marchande", a-t-il néanmoins précisé. "Saad al-Hilli était un ingénieur brillant" dans une entreprise anglaise spécialisée dans les satellites civils (météo, surveillance des cultures), a rappelé le procureur.
"Son entreprise travaillait pour de nombreux États étrangers. (...) Qui dit États étrangers et espionnage industriel peut aussi indiquer l'intervention de services secrets", a-t-il avancé, reconnaissant qu’il s’agissait d’un "pan de l'enquête extrêmement complexe, qui va demander énormément de temps, qui n'aboutira peut-être pas, mais l'enquête est loin d'être close sur ce sujet".
La piste du frère privilégiée
Deux autres pistes sont suivies de près par les enquêteurs dans ce dossier. La première - et la plus sérieuse - est celle du conflit familial. Saad al-Hilli était en effet en concurrence avec son frère Zaïd au sujet de l’héritage paternel, évalué entre 3 et 5 millions d’euros. Khadem al-Hilli, le père de Saad, possédait un patrimoine important dans son pays d'origine, notamment une maison et un terrain dans un quartier huppé de Bagdad. En 2004, ses deux fils, Saad et Zaïd, avaient entrepris des démarches pour récupérer l'héritage. "Zaïd est considéré comme suspect, mais il n'est pas présumé coupable ni suspect numéro 1, a précisé le procureur. Il peut être impliqué dans l'affaire criminelle, on s'intéresse à lui car il y avait un conflit entre les deux frères, des menaces proférées, et Saad avait peur de lui."
Zaïd al-Hilli a été entendu comme simple témoin à Londres et a refusé de se présenter à une convocation française. "En France, il aurait été placé nécessairement en garde à
vue, a assuré Éric Maillaud. Aurait-il été mis en examen ? Relâché ? Ce sont des stratégies judiciaires, mais je n'aurais pas requis de détention provisoire contre lui." Zaïd al Hilli est placé sous surveillance policière, qui s'apparente au contrôle judiciaire français, jusqu'au 23 septembre. Mais cette date peut être repoussée et il pourra être réentendu.
La piste d’un ordre venu d’Irak n’est pas non plus écartée. "La question se pose de savoir si ceux qui en Irak se trouvent actuellement à la tête du patrimoine du père n'avaient pas intérêt à ce que les deux frères al-Hilli disparaissent parce qu'ils souhaitaient récupérer ce patrimoine", s’est interrogé le procureur. En novembre 2012, une commission rogatoire sur ce sujet avait été adressée à l’Irak, mais les autorités ne l’ont toujours pas exécutée.
Avec dépêches