Le président algérien sortant Abdelaziz Bouteflika a clôt sa campagne, lundi à Alger, par un nouveau projet d’amnistie générale pour les islamistes, projet qu’il entend soumettre par référendum à la population s'il est réélu.
Entretien avec Kader Abderrahim, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris et spécialiste des systèmes politiques du Maghreb.
Que pensez-vous de ce nouveau projet d' amnistie générale pour les islamistes ?
Kader Abderrahim : Bouteflika a parlé de l’amnistie parce qu’elle reste un sujet polémique en Algérie et que la réconciliation nationale constitue un enjeu politique. Il en avait déjà parlé lors de son deuxième mandat. Il a fait le choix de finir sa campagne sur une note de rassemblement. Ses précédentes campagnes étaient également basées sur la question de la paix sociale.
Maintenant, il faut voir ce qu’il propose de nouveau avec cette amnistie. Bouteflika veut absolument que la paix soit adoubée par tous les Algériens, mais la question la plus importante reste celle des disparus*. Il n’a rien dit à ce sujet pendant la campagne électorale. Cette question n’a jamais été évoquée au niveau de l’État.
Quels rapports Bouteflika entretient-il avec les islamistes depuis son arrivée au pouvoir ?
K. A. : Depuis vingt ans, les islamistes exercent une influence dans la société algérienne. Bouteflika, ou n’importe quel autre président à sa place, est obligé d'en tenir compte. Il a réussi à diviser les islamistes en accueillant les repentis et il a réussi à former un gouvernement hétéroclite.
Par ailleurs, par le biais de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale [qui a succédé à la loi sur la Rahma proposée par le président Liamine Zeroual (1994-1999) ndlr], plusieurs islamistes se sont rendus et ont quitté les maquis où ils étaient retranchés. Le terrorisme n’a cependant pas disparu en Algérie. Cette nouvelle amnistie relève du marketing politique.
Quelle est la position de la population algérienne vis-à-vis des islamistes ?
K. A. : Le Front islamique du salut (FIS) continue d'être présent dans la société algérienne et d'accueillir des sympathisants, bien qu’il ait été dissous en 1992. La question du terrorisme reste très importante dans la société algérienne, mais il faut attendre les résultats de l'élection présidentielle qui arrive. Le décryptage de la carte électorale et du nombre de voix va nous indiquer comment les gens ont voté dans les anciens fiefs du FIS, pour déterminer s’il continue ou pas d'exercer une influence, notamment après l'appel au boycott d'Abassi Madani (co-fondateur et président du FIS, ndlr), depuis son exil au Qatar.
*A la fin des années 1990, l'Algérie sort d'une décennie marquée par un conflit intérieur qui a opposé les forces de sécurité et les milices armées par le gouvernement aux groupes islamistes, faisant des milliers de morts et de disparus.