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Oradour-sur-Glane : Hollande et le président allemand main dans la main

La venue du président François Hollande et de son homologue allemand Joachim Gauck mercredi à Oradour-sur-Glane a été riche en symboles. Les deux chefs d'État et l'unique rescapé du massacre encore en vie se sont pris par la main.

C'est un rendez-vous historique pour Oradour-sur-Glane. Mercredi 4 septembre, le chef de l'État français, François Hollande, s'est rendu, aux côtés du président allemand Joachim Gauck, dans ce village martyr de Haute-Vienne de la Seconde Guerre mondiale, avec un premier geste très symbolique, leurs mains étreignant celles d'un rescapé du massacre.

Dans l'église, les deux présidents, venus avec leurs compagnes respectives, ont d’abord écouté les explications de Robert Hébras, 88 ans, l'un des trois survivants encore en vie qui y a perdu sa mère et ses sœurs.

Puis devant l'émotion du rescapé, François Hollande lui a pris la main, et Joachim Gauck lui a entouré les épaules avec son bras. Les trois hommes se sont ensuite tenu main dans la main et épaule contre épaule quelques instants à l'intérieur de l'édifice. Un moment fort en émotion sur ce lieu chargé d'histoire.

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Extrait du discours de François Hollande prononcé à l'issue de sa visite d'Oradour-sur-Glane
Oradour-sur-Glane : Hollande et le président allemand main dans la main

"C'est le devoir de notre génération"

Le 10 juin 1944, vers 14 heures, près de 200 soldats allemands de la division SS "Das Reich" ont encerclé le bourg et rassemblé la population sur le champ de foire. Les villageois, persuadés qu'il s'agit d'un simple contrôle d’identité, sont répartis en six groupes dans diverses granges tandis que les femmes et les enfants sont regroupés dans l’église. En quelques minutes, les hommes sont abattus puis brûlés. Quelques instants plus tard, les femmes et les enfants subiront le même sort. Les Allemands laissent, au total, 642 victimes, dont 246 femmes et 207 enfants, brûlés dans l'église.

Près de 70 ans après ce drame considéré comme la pire atrocité nazie en France occupée, la première visite officielle d'un haut représentant allemand reste un sujet sensible. Pour l'heure, seul l'ex-chancelier Gerhard Schröder avait évoqué le massacre d'Oradour, en 2000 à Berlin et en 2004 à Caen.

"Malgré les réticences des quelques rescapés et témoins, la population est plutôt favorable à la visite des deux chefs d'État",  estime Claude Milord, président de l'Association pour les familles des martyrs, qui compte 405 membres. "Ici, tout le monde se prépare à accueillir le président allemand", ajoute-t-il en comparant "cet évènement majeur" à la poignée de main entre François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl en 1984, près de Verdun.

Cette journée est surtout l'occasion pour Oradour-sur-Glane de renouer le dialogue avec l'Allemagne après sept décennies. Pendant longtemps, "il n'y a eu aucun échange, c'était tabou", reconnaît Claude Milord, 61 ans, qui n'était pas né au moment du drame mais dont une vingtaine de parents, proches ou éloignés, ont péri dans la tragédie. "Mais le temps a passé, et ce qui était impensable avec certaines générations est moins difficile avec la nôtre. C'est le devoir de notre génération de renouer des relations avec l'Allemagne : nos parents n'en avaient pas la force".

"Éviter un autre Oradour"


Pour autant, Claude Milord refuse de parler de réconciliation, un "bien grand mot", selon lui. "L'important, c'est que l'Allemagne reconnaisse officiellement le massacre perpétré par le régime nazi", ajoute-t-il. Des allocutions des deux chefs d'État sont prévues au Centre de la mémoire, inauguré en 1999 à proximité des ruines classées monument historique en 1946. La visite doit durer près de deux heures et s'achever par une rencontre avec des familles des victimes et deux survivants de la tuerie.

"Il faut que le massacre d'Oradour ne soit pas oublié, que la conservation de l'ancien village serve à éviter d'autres Oradour", conclut-il en faisant allusion à l'actualité syrienne de ces derniers mois.