, envoyé spécial à Venise – Adam Driver, remarqué dans la série télé "Girls", a volé la vedette à sa consœur Mia Wasikowska, dans le premier film en compétition "Tracks". À côté, le film allemand "The Police Officer’s Wife" relevait du supplice.
Vous êtes vraiment attachés à un acteur quand vous vous rendez compte qu’il vous manque dès qu’il n’apparaît plus à l’écran.
C’est ainsi pour Adam Driver, acteur un peu gauche et attachant, nouveau sex-symbol âgé de 29 ans, découvert dans la série télé "Girls", et qui s’illustre dans un film en compétition, "Tracks", du réalisateur américain John Curran.
Le film raconte l’histoire vraie d’une jeune femme, Robyn Davidson (interprétée par la nouvelle star australienne Mia Wasikowska), qui a traversé plus de 3000 kilomètres dans le désert australien en 1975, accompagnée de son chien et de trois chameaux qu’elle a dressés elle-même.
Adam Driver, lui, incarne un certain Rick Smolan, un photographe pour National Geographic qui croise le chemin de Robyn et en tombe amoureux malgré – ou en raison de – l’obstination de la jeune Robyn à vouloir mener son périple seule.
"Tracks", joli mais un peu insipide
Dans ce film, le désert s’admire dans toute son immensité et ses couleurs intenses. Le sable est si proche que le spectateur en a plein les yeux. Mais cela ne suffit pas à pimenter un long-métrage un peu insipide.
Le classicisme de John Curran avait bien fonctionné dans "Le voile des illusions" (The Painted Veil, 2006), une romance qui met à distance la passion. Mais dans "Tracks", l’hermétisme de Robyn confine au fanatisme. On aurait tellement aimé qu’un directeur d’acteurs vienne creuser cette obsession de Robyn d’être seule, comme Jane Campion en aurait été capable.
Mia Wasikowska ne manque ni de talent ni de subtilité, mais elle est naturellement réservée. Quand un film passe son temps à suivre un personnage et à le filmer en gros plan, l’actrice aurait dû davantage sortir de sa coquille. John Curran se contente d’admirer son beau minois et le magnifique paysage, sur fond de musique omniprésente. Les quelques embûches rencontrées par l’héroïne sont très attendues : les animaux sauvages, la tempête de sable, les Aborigènes.
Heureusement, "Tracks" devient intéressant dès que le photographe Rick fait une apparition. Cheveux au vent, allure dégingandé, traits mûrs et voix épaisse, Adam Driver a tout d’un personnage secondaire haut en couleur, comme il l'a montré dans "Frances Ha" devant la caméra de Noah Baumbach, et dans "Inside Llewyn Davis", dernier film des frères Coen. On conseille d'ailleurs à Adam Driver de résister au temps en refusant que le star system l’enferme dans des rôles "mainstream" et lisses. Il est davantage mis en valeur dans des rôles mineurs mais intéressants.
Ici, Adam Driver colle parfaitement au personnage un poil névrosé et fainéant. Mais il a du charisme, et l’alchimie avec Mia Wasikowska opère. C’est même ce qu’il y a de plus intéressant à observer dans ce film. Adam Driver parvient à exprimer un éventail d'émotions, et on aimerait que Robyn soit moins porc-épic et laisse au photographe plus de place dans sa vie.
Un drame familial trop maniéré
Autre film en compétition, "The Police Officer’s Wife" est un drame fastidieux et beaucoup trop long (175 minutes) mené par le réalisateur allemand Philip Groning.
L’histoire d’une femme qui subit les violences d'un mari policier et qui doit élever sa petite fille. Le film, divisée en 59 brefs chapitres, devient exaspérant quand il abuse des gros plans, des images symboliques de la nature (les ruisseaux, les animaux), et déploie de faux-airs artistiques qui confinent au canular. On aurait aimé une vraie plongée dans le marécage du couple, déchiré entre amour et brutalité.
Cela dit, il se peut très bien que ce soit le genre de film qui emporte l’avis du jury et qu’il figure dans le palmarès final...