Plus de deux ans après la catastrophe nucléaire, la zone maritime de Fukushima affiche des taux de radioactivité élevés. La contamination de la chaîne alimentaire maritime japonaise se poursuit. Avec des conséquences sanitaires alarmantes.
Une truite rocheuse à 150 000 becquerels par kilogramme (bq/kg), une rascasse à 254 000 bq/kg - alors que la norme japonaise est de 100bq/kg : il ne fait pas bon pêcher un poisson aux abords de la centrale de Fukushima. Certes, on le savait déjà : depuis la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, en mars 2011, les fonds marins proches de la zone accidentée n’ont pas échappé aux fuites radioactives des réacteurs endommagés. De nombreuses études japonaises, menées chaque mois non loin de la centrale par le ministère de la Pêche, révèlent d’ailleurs des taux anormalement élevés de césium 134 et 137 (particules radioactives) dans les entrailles de vertébrés à branchies, algues et crustacés.
Mais lorsque Tepco, le gérant de la centrale - qui jusque-là avait minimisé les conséquences de la catastrophe - reconnaît publiquement, et pour la première fois, mercredi 21 août, l’ampleur du désastre écologique, il y a de quoi s’inquiéter. En effet, selon son dernier communiqué, quelque 300 tonnes d’eaux hautement radioactives sont en train de fuir d’un réservoir accidenté. Une eau contaminée, classée en "incident grave", qui se mêle désormais aux liquides radioactifs qui se déversent déjà quotidiennement dans l’océan via des voies souterraines.
"Vers une explosion du nombre de cancers"
Quel est alors l’impact de cette pollution radioactive sur les poissons destinés à être consommés ? Les autorités japonaises se veulent rassurantes. Selon leurs études, 40% des poissons péchés autour de la zone accidentée sont impropres à la consommation et 36 espèces sont pour l’heure interdites à la vente. Un rempart sanitaire destiné à rassurer la population et les marchés. Soucieuses aussi de soutenir l’activité de la pêche, un des secteurs phares de l’économie de la région de Fukushima, Tokyo a même décidé de construire à l’entrée du port de Fukushima Daiichi une barrière de deux mètres de hauteur, fixée au sol marin, pour empêcher les animaux hautement contaminés de s’échapper au large.
Mais ces mesures sont-elles suffisantes pour contrer la propagation des radionucléides dans l’eau ? Pas vraiment, estime Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire, un organisme indépendant, contacté par FRANCE 24. "Toute la chaîne alimentaire des fonds marins est désormais contaminée"avance-t-il tout en reconnaissant que ce problème est circonscrit aux seules côtes japonaises. Et de poursuivre : "Avec les courants marins et l’immensité du Pacifique, il est peu probable que les côtes américaines soient touchées par cette pollution. Au Japon, par contre, nous allons au devant d’une explosion dramatique du nombre de cancers dans les prochaines années. Dans un pays où le poisson est un aliment de base, des générations entières vont ingérer cette nourriture contaminée. Même à faible taux de radiation, c’est-à dire celui autorisé par le gouvernement japonais, les particules de césium se fixent sur le foie, l’estomac, les organes et peuvent provoquer en quelques années des dégâts importants."
"Une source continue de contamination"
Il y a un peu moins d’un an, une étude de Ken Buesseler, un chimiste américain de l’Institut océanographique de Woods Hole (Massachussetts), revêtait déjà un caractère tout aussi pessimiste. Son rapport insistait surtout sur le fait que les taux de contamination autour de Fukushima restaient aussi élevés que ceux de l’année précédente, alors qu’ils auraient dû, avec les courants marins, la désintégration naturelle du césium et sa dilution dans l’océan, baisser significativement. Conclusion de l’étude : "Il ne fait aucun doute qu’il existe une source continue de contamination", expliquait alors déjà Ken Buesseler. Selon les experts, près de 16,1 milliards de milliards de becquerels ont déjà ete déversés dans la mer depuis juin 2011.
Faut-il craindre pour autant de manger "japonais" dans nos restaurants français ? Contrairement à l’idée reçue, la majorité des poissons consommés dans les établissements japonais de l'Hexagone proviennent principalement de Norvège, de l’océan Indien et de la Méditerranée. Et, depuis la catastrophe, tous les produits en provenance de la péninsule japonaise font l’objet de contrôles renforcés dans l’Union européenne.