Cheikh Tamim est devenu, à 33 ans, l’émir du Qatar. Il succède à son père, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, qui a abdiqué mardi. Apprécié des Occidentaux, il entend maintenir la stature internationale de ce petit État du Golfe.
Sa moustache est indéniablement moins fournie que celle de son père, mais il a hérité de ce dernier sa grande taille… et le trône du Qatar. Après l’abdication de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani, mardi 25 juin, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani devient ainsi, à l’âge de 33 ans, le nouvel homme fort du Qatar. Le deuxième fils du cheikh Hamad et de sa deuxième épouse, la cheikha Moza, incarne donc cette "nouvelle génération" chargée d’injecter "des idées innovantes" voulue par l’émir démissionnaire pour diriger le richissime État gazier. "Il est temps d’ouvrir une nouvelle page", a assuré, mardi dès l'annonce de sa démission, cheikh Hamad ben Khalifa au cours d’un discours télévisé.
Un nouveau Premier ministre qatari va être nommé, rapporte la chaîne d'information Al-Jazira. Il s'agit de Cheick Abdoullah ben Naser al-Thani, l'actuel ministre d'État pour les affaires intérieures. Il remplacera Hamad ben Djassim al-Thani, qui est également ministre des Affaires étrangères, précise la chaîne de télévision qatarie.
Son fils, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, est désormais le plus jeune chef d’État du monde arabe. Marié à deux femmes et père de six enfants, il a été désigné prince héritier en 2003, ravissant la place à trois de ses frères qui n’étaient pas parvenus à séduire l’exigeant Conseil de famille, l’organe chargé de désigner le successeur de l’émir.
Le "monsieur sport" du Qatar
Cheikh Tamim, réputé travailleur, posé et prudent, peut se targuer d’un impressionnant CV. Il parle couramment anglais et français et il est diplômé de la prestigieuse Académie royale de Sandhurst au Royaume-Uni, l’équivalent de l’école Saint-Cyr en France. Une fois nommé prince héritier, il a collectionné les postes au sein de l’appareil d’État et a contribué à l’émergence internationale de cet État du Golfe grand comme un département français.
Féru de sport - il pratique, paraît-il, le tennis à un bon niveau -, cheikh Tamim est l’un des artisans de l’entreprise de séduction entamée sur la scène internationale par le petit émirat depuis une dizaine d’années. C’est notamment lui qui chapeaute en 2011 la très médiatique acquisition par le Qatar du club de foot emblématique de la capitale française, le Paris Saint-Germain (PSG). C’est encore lui qui se charge de la campagne pour l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, que le Qatar remporte haut la main. Et c’est également lui qui préside le Comité olympique de l’émirat.
Parallèlement, le "monsieur sport" du Qatar a élargi progressivement ses compétences. Son père le nomme ainsi commandant en chef adjoint des forces armées et, petit à petit, il parvient à conforter son autorité en prenant la responsabilité de dossiers sensibles de politique étrangère et intérieure. Il conduit ainsi avec succès le délicat dialogue avec l’Arabie saoudite, le puissant voisin wahhabite avec lequel le Qatar a, jusqu’en 2007, entretenu des relations houleuses. Il se charge aussi du suivi des contrats d’armement avec les États-Unis et la France puis prend la tête de l’Autorité qatarie d’investissement (QIA), l’organe de gestion des fonds souverains de l’État.
Un émir apprécié de l’Occident
Cheikh Tamim est ainsi parvenu à nouer d’excellents rapports avec de nombreux pays occidentaux. "Sur le plan de la politique étrangère, je ne vois pas de grand changement à attendre, notamment concernant la connivence entre le Qatar et la mouvance des Frères musulmans", prévient cependant sur l’antenne de FRANCE 24 Karim Sader, politologue. Les liens controversés entre l'émirat et la confrérie islamiste a valu à Doha de vives critiques de la part des Occidentaux au lendemain des révolutions arabes. Les Frères musulmans, soutenus financièrement par le Qatar, ont en effet pris une place prépondérante dans la vie politique de pays comme l'Égypte ou la Tunisie, au grand dam des puissances occidentales.
À l’intérieur des frontières qataries, cheikh Tamim, en homme de consensus, entretient de bonnes relations avec le camp réformiste mais également avec les conservateurs présents au sein de l’appareil d’État. Son père lui a ici facilité la tâche. Il a écarté des postes-clés tous les lieutenants de Hamad ben Jassem Al-Thani, le très ambitieux Premier ministre du Qatar. Ce dernier devrait, logiquement, quitter son poste dans les jours qui viennent, laissant tout loisir à l’émir Tamim de placer autour de lui ses propres fidèles.