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La "banque" de paiement en ligne Liberty Reserve fermée pour blanchiment

Le site Liberty Reserve est accusé par la justice américaine d’avoir permis le blanchiment de plusieurs milliards de dollars provenant d’activités illégales en ligne. Le patron de cette société domiciliée au Costa Rica a été arrêté en Espagne.

“Si Al Capone était en vie aujourd’hui, c’est là qu’il aurait caché son argent”. Pour Richard Weber, patron de la division des investigations criminelles du fisc américain, le site Liberty Reserve qui vient d'être fermée par les autorités américaines, n’était pas grand-chose d’autre qu’une banque en ligne pour criminels modernes. Mais c'était surtout la plus importante sur le Net.

Cette monnaie qui a servi à blanchir l'argent

Les Liberty Reserve (LR) n'existent pas réellement, mais ils ont bel et bien servi à blanchir de l'argent ont démontré, mardi 28 mai, les autorités américaines.

En fait, le cybercriminel à la recherche d'un moyen discret pour blanchir l'argent qu'il s'est fait grâce à ses menus e-forfaits pouvait facilement y arriver grâce à ce site. Il lui suffisait d'ouvrir un compte en tout anonymat sur lequel il déposait ensuite ses dollars (ou autres) préallablement échangé en LR.

Il devait ensuite trouver un commerçant ou une société qui acceptaient les paiements dans cette monnaie virtuelle ouvrant la porte au processus de blanchiment. 

Heureusement pour lui, le site Liberty Service fournissait une liste de plusieurs sociétés "de confiance" situées dans des pays comme la Russie, le Nigéria ou la Malaisie. La spécialité de ces entreprises consistaient à recevoir le paiement en LR puis de retrocéder, contre une commission pouvant aller jusqu'à 5% de la transaction, l'équivalent en dollars (ou une autre devise). Ainsi, la boucle était bouclée et l'argent blanchi.

Son propriétaire, Arthur Budovsky - arrêté dès vendredi 24 mai en Espagne - et cinq autres personnes sont ainsi soupçonnés d’avoir géré le site comme une “plateforme financière pour les cyber-criminels, ce qui aurait permis de blanchir entre 2006 et 2013 plus de 6 milliards de dollars”, selon l’acte d’accusation déposé devant un tribunal de New York.

L’argent sale qui était changé en Liberty Reserve dollars ou Liberty Reserve euros puis en dollars bien plus propres provenait, d’après les autorités américaines, d’activités aussi diverses que le vol de cartes de crédit, le commerce de données personnelles dérobées sur le Net, les arnaques en ligne ou encore la pédopornographie.

“Joe Bogus” et la cocaïne

Depuis son lancement il y a sept ans, le site “a enregistré plus de 55 millions de transactions financières”, d’après les enquêteurs américains qui estiment que la majorité de ces opérations étaient effectuées par des cyber-criminels. Au fil du temps, Liberty Reserve s’était, en effet, fait une réputation dans le petit milieu de la délinquance en ligne. “L’anonymat offert par ce service de transfert d’argent virtuel a attiré un grand nombre de cyber-délinquants vers Liberty Reserve”, affirme sur son blog Brian Krebs, l’un des meilleurs spécialistes américains de l’e-économie souterraine.

Pour ouvrir un compte sur le site, un simple email et un nom d’emprunt suffisaient. Les responsables de Liberty Reserve ne posaient, ensuite, aucune question sur l’identité réelle et les motivations des membres, comme a pu le constater l’un des enquêteurs américains. Il s’était inscrit en utilisant une fausse adresse email, avait choisi “Joe Bogus” (Joe “le faux”) comme nom d’utilisateur et avait même poussé le vice jusqu’à préciser qu’il comptait utiliser le site pour “écouler l’argent de la vente de cocaïne”. Des informations qui n’ont soulevé aucune objection de la part des administrateurs du site.

Pas seulement des cyber-délinquants

Mais Liberty Reserve n’avait pas la côte seulement auprès des criminels 2.0. “Le service était aussi utilisé par des internautes qui y voyaient une alternative moins onéreuse que PayPal”, souligne le site de la chaîne britannique BBC. La commission prélevée sur chaque transaction était en effet de 1% au maximum quand PayPal impose une taxe qui peut varier entre 1,4% et 3,4%. Un avantage compétitif qui avait rendu Liberty Reserve populaire aussi auprès de la communauté des traders, comme le souligne le blog français spécialisé dans l’actualité de la finance Forex Agone.

Tous ces utilisateurs qui ne versent pas dans les activités illégales ne savent pas, pour l’heure, s’ils vont pouvoir revoir la couleur de leur argent. Les autorités américaines ont mis en place une “hotline” afin d'être informées du devenir des fonds actuellement gelés de Liberty Reserve.

Ce site n’était, en outre, pas le seul à offrir ce genre de services financiers en ligne. En réaction à l’opération américaine, les concurrents de Liberty Reserve - des sites qui proposent des monnaies virtuelles comme WebMoney ou Perfect Money - ont décidé de ne plus accepter de clients américains, a constaté Brian Krebs. Une manière de tenter de se mettre à l’abri du bras vengeur du fisc américain. Mais c'est aussi un aveu implicite que les transactions effectuées sur leur plateforme ne sont pas forcément plus honnêtes que celles qui ont fait tomber Liberty Reserve.