Alors que la guerre civile syrienne se rapproche du Liban, une équipe de FRANCE 24 a franchi la frontière libano-syrienne aux côtés d'un milicien libanais allié au Hezbollah. Il part défendre le régime de Bachar al-Assad. Reportage.
Vêtu d’un treillis vert et bien armé, Abou Hamza traverse la région montagneuse de la Bekaa, au Liban, dans le but de rejoindre la Syrie. Le visage caché derrière un keffieh et une paire de lunettes de soleil, ce Libanais explique pourquoi il a choisi de combattre en Syrie. "[Les rebelles syriens] viennent tuer nos enfants jusque dans nos maisons, lance le milicien des Comités populaires. Je veux me battre pour défendre ma famille, pas pour défendre les intérêts de quiconque."
Abou Hamza tient le discours bien huilé de ce groupe de miliciens libanais qui participent aux combats en Syrie. Difficile de prendre ses propos pour argent comptant. En revanche, il reconnaît que sa milice a été formée par le Hezbollah, le mouvement chiite libanais dont le leader Hassan Nasrallah s’est ouvertement engagé, le 30 avril, aux côtés du président syrien Bachar al-Assad. La rencontre a d'ailleurs été organisée par le Hezbollah, à Hermel, une ville chiite du côté de la frontière libanaise, la base arrière du "parti de Dieu".
Mourir en martyr pour Assad
Le combattant libanais affirme vivre dans un village syrien, proche de la frontière. C'est le cas de la plupart des miliciens des Comités populaires qui vivent, selon le Hezbollah, dans des villages libanais ou des villages syriens à dominante chiite où les habitants disposent de la nationalité libanaise.
Ces milices locales de défense, qui ont le devoir de protéger leur village, interviennent en Syrie depuis plusieurs mois. Mais, avant la déclaration de Hassan Nasrallah, le mouvement chiite niait systématiquement toute implication ou aide auprès des forces syriennes gouvernementales. Ces dernières semaines, des corps de membres du Hezbollah sont pourtant revenus en martyrs dans leurs villages de la plaine de la Bekaa.
Les partisans de Nasrallah "prêts au combat"
Depuis que la bataille pour la ville stratégique de Qousseir s’est intensifée, le Hezbollah a choisi de s'engager ouvertement dans le conflit. Malgré les pertes enregistrées, les partisans du mouvement chiite libanais soutiennent son chef Hassan Nasrallah. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 104 combattants du Hezbollah ont été tués en huit mois dans la guerre en Syrie, alors qu'une source au sein du mouvement chiite comptabilise 75 morts durant la même période.
Dans la petite ville de Machghara, dans l’ouest de la Bekaa, Mohmmad Hammoud se dit fier d’avoir perdu son fils au combat. “Je suis encore plus heureux maintenant qu’il est mort en martyr", lance-t-il devant une foule de sympathisants. “J’ai un deuxième, troisième et quatrième fils et je suis prêt à tous les envoyer pour combattre à Qousseir, ou bien contre Israël, ou contre quiconque veut nous éliminer, poursuit-il. Hier, j'étais moi-même sur le front et j'aurais aimé tomber en martyr : je n'ai pas peur d'eux. Ce qui doit arriver arrivera."
Dans le reste du Liban, l'intervention du Hezbollah en Syrie suscite la colère. Depuis le début de la guerre en Syrie, Tripoli, la grande ville portuaire du nord du Liban, est régulièrement le théâtre d'affrontements à caractère confessionnel entre sunnites qui soutiennent la rébellion et alaouites pro-Assad. Dans la capitale, certains accusent le "parti de Dieu" d'entraîner le pays dans la guerre. "Le Hezbollah se comporte comme s'il était l'État en s'engageant dans la guerre en Syrie. C'est irrationnel. Le Hezbollah décide du destin de tout un peuple", déplore ainsi Hanin Siddiq, une habitante de Beyrouth.