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Victimes d'une erreur judiciaire, deux condamnés sont innocentés

Abderrahim el Jabri et Abdelkader Azzimani, condamnés à 20 ans de réclusion pour meurtre, ont obtenu ce mercredi, fait rare, l’annulation de leur condamnation. Retour sur les causes de cette double erreur judiciaire.

C’est un fait rarissime dans l’histoire judiciaire française. Ce mercredi, deux hommes condamnés pour meurtre à 20 ans de réclusion, Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri, ont obtenu de la Cour de révision l'annulation de ce verdict prononcé en 2003. C'est l’aveu de deux autres suspects qui a conduit à ce revirement quasi-inédit.

"Attendu que sont ainsi établis des faits nouveaux ou inconnus de la juridiction de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de MM. Abdelkader Azzimani et Abderrahim El Jabri, [la Cour de révision] annule" leur condamnation, ont écrit les juges.

Il y a un mois, l'avocat général Patrick Bonnet avait également soutenu cette demande d'annulation devant la Cour de révision.

Les deux hommes innocentés seront rejugés par une cour d'assises pour obtenir leur acquittement officiel, et recouvrir - enfin - leur liberté.

Huit acquittements depuis 1945

C'est donc le bout du tunnel pour les deux héraultais. Sorti de la Cour de révision en arborant le V de la victoire, Abderrahim el-Jabri a dédié ce succès à son père, mort durant sa détention.

"C'est un combat enfin gagné, on s'est battu comme des lions", a commenté cet homme aux yeux rieurs, teint mat et crâne lisse. "C'est l'humanité de ces deux hommes, leur abnégation, leur ténacité et leur correction, qui nous a fait tenir, qui nous a fascinés", a ajouté Me Jean-Marc Darrigade, l'un de leurs avocats.

Depuis 1945, la procédure de révision a abouti à seulement huit acquittements. Le dernier en date est celui de Marc Machin, blanchi en décembre pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Le plus retentissant reste celui de Patrick Dils, condamné en 1989 à la réclusion perpétuelle à la perpétuité, avant d’être acquitté en 2002.

Coupables idéaux

Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri, 47 et 46 ans, en liberté conditionnelle depuis 2009 pour l'un, 2011 pour le second, avaient été condamnés à vingt ans de réclusion pour le meurtre, en 1997 à Lunel (Hérault), d'Abdelaziz Jhilal, un petit dealer de cannabis de 22 ans, tué sauvagement de 108 coups de couteau. Ils n’ont jamais cessé de clamer leur innocence.

Au départ, tout accusait les deux hommes, eux-mêmes trafiquants de drogue. Ils avaient reconnu avoir cherché la victime pour lui réclamer de l’argent. Ils faisaient de parfaits coupables : les deux héraultais venaient de livrer 5 kg de cannabis à la victime, ils avaient été vus sur les lieux du crime et avaient été formellement identifiés par un témoin.

Après avoir écopé de six ans de prison pour trafic de stupéfiants, ils avaient été jugés et condamnés pour meurtre à vingt ans de réclusion. La peine avait été confirmée en appel en 2004, malgré une étrange requalification du chef d'accusation en "complicité" d'homicide, sans que l'auteur principal soit identifié.

Rebondissements miraculeux

L’affaire rebondit en 2009 grâce à un premier "miracle" : le revirement du témoin à charge, pousse la justice à rouvrir le dossier. Nouveau coup de théâtre en 2010 : le versement tardif, au fichier des empreintes génétiques, des traces d'ADN figurant dans les scellés. Et là, surprise : L’ADN relevé sur le rétroviseur et la portière de la voiture de la victime, et sur l’une de ses chaussettes, ne correspond pas à celui des condamnés, mais à celui d’un manutentionnaire, condamné récemment dans le cadre d’une affaire de drogue.

Placé en garde à vue, l’homme reconnaît s’être trouvé sur les lieux du crime, mais il accuse un complice - un directeur de centre de loisirs - d’avoir porté les coups mortels. Depuis, les deux hommes se renvoient la responsabilité du meurtre, mais disculpent, de fait, Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri.

Abderrahim el-Jabri, actuellement domicilié dans le Nord, affirme être "sans haine", même s'il reconnaît que la reconstruction est difficile et que la détention l'a marqué durablement. Abdelkader Azzimani, qui a subi un infarctus il y a quelques mois, est sorti du Palais de justice, ému, au bras de sa fille.

Avec dépêches