logo

Coronavirus : le "battage médiatique" est nécessaire pour circonscrire l'épidémie

Le nouveau coronavirus a déjà causé 18 décès dans le monde depuis 2012. Selon le professeur Arnaud Fontanet, le "battage médiatique" orchestré autour de ce virus contribue à enrayer l’épidémie, comme ce fut le cas pour le Sras il y a dix ans.

Les autorités sanitaires sont sur le pied de guerre. Alors que deux personnes ont été contaminées en France par le virus aujourd’hui baptisé "nouveau coronavirus" (NCoV), des mesures de sécurité renforcées ont été annoncées par le ministère de la Santé. Depuis sa détection en avril 2012, dix-huit personnes sont mortes dans le monde. Un dispositif national d’investigation a donc été mis en place par Marisol Touraine pour éviter toute propagation de cet agent infectieux proche du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras). Quelles sont ses particularités ? Y a-t-il un risque de pandémie ? Le professeur Arnaud Fontanet, responsable de l'unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur, a répondu aux questions de FRANCE 24.


FRANCE 24 : Qu’est ce que le nouveau coronavirus ?

Pr Arnaud Fontanet : Le coronavirus est un virus qui est déjà connu et répandu dans le monde animal où il cause des infections respiratoires et intestinales, c'est-à-dire des gastro-entérites. Chez l’homme, jusqu’à il y a dix ans, il était responsable d’un tiers des rhumes. En 2002, ce virus a beaucoup fait parler de lui avec le Sras qui a touché le sud de la Chine. Cette pandémie a touché 35 pays, infecté 8 000 personnes et causé 775 décès. Le virus se transmettait par voie respiratoire et contact rapproché. Les mesures d’hygiène comme la restriction des déplacements, le port de masques et le lavage des mains ont réussi à mettre fin à l’épidémie dans les pays touchés.

Ce qui se passe actuellement ressemble beaucoup à ce qui s’est passé il y a dix ans, dans le sens où il s’agit d’un coronavirus de la même famille. Les personnes qui sont touchées sont essentiellement des adultes, atteints d’autres pathologies associées donc immunodéprimés. Les symptômes sont avant tout respiratoires et la mortalité est très forte. Sur les 34 cas observés actuellement dans le monde, il y a 50 % de décès. La transmission respiratoire se fait par contacts rapprochés. Il s’agit de membres de la famille, de personnel soignant ou d’autres patients comme c’est arrivé en France. Depuis le début de l’épidémie en 2012, il y a six pays touchés dont l’Arabie Saoudite.

Qu’est ce qui le différencie du Sras ?

A. F. : Pour l’instant, le nouveau coronavirus ne représente pas l’ampleur épidémique du Sras. Est-ce parce qu’il est moins contagieux ? Est-ce parce qu’il n’y a pas encore eu de "point de contact" qui a permis l’explosion du Sras ? Dans ce cas précis, c'est un hôtel à Hong Kong où dix personnes avaient été contaminées qui avait joué ce rôle. Ensuite, elles étaient toutes parties dans six pays différents. Peut-être est-on dans la période où, comme pour le Sras, l'épidémie reste géographiquement cantonée avant d’exploser. La mortalité du nouveau coronavirus est statistiquement plus élevée que celle qu’on avait eue avec le Sras. Est ce parce que seuls les cas graves sont rapportés ? Pour l'instant, les données sont beaucoup moins importantes (34 cas, ndlr) que celles recueillies pour l'épidémie de SRAS.

Existe-t-il un risque réel de pandémie ? La communication est assez alarmante voire alarmiste depuis quelques jours…

A. F. : Ce qui est sûr, c’est que chaque cas demande un effort considérable. Lors de sa conférence de presse dimanche, la ministre de la Santé Marisol Touraine a rappelé que 125 personnes avaient été en contact avec le premier cas français. Les recontacter, les suivre pendant 10 jours pour s’assurer qu’elles ne développent pas de symptômes, c’est un travail énorme et extrêmement contraignant. Tant que vous en avez deux, c’est jouable, mais quand vous en avez dix, vous perdez vite le contrôle car les mises en quarantaine sont impossibles à réaliser dans de bonnes conditions. Si le nouveau coronavirus ressemble au Sras, et c’est ce qui semble se dessiner, il faut taper vite et fort.

Heureusement, ce virus ne se transmet que par contact rapproché. Il n’y a donc pas de risque de diffusion majeure très rapide. Mais surtout, comme pour le SRAS, il y a une période de quelques jours entre le moment où vous developpez les symptômes et le moment où vous êtes vraiment contagieux. C’est à ce moment-là qu’il faut identifier les malades et les mettre à l'isolement. L'avantage par rapport au virus de la grippe où la période contagieuse commence avant même l'apparition des symptômes, c'est qu'il est possible de bloquer la transmission du nouveau coronavirus. Il est donc important de réagir très vite et très fort. Le battage médiatique est fort mais c’est ainsi qu’on a bloqué l’épidémie de SRAS il y a dix ans.

Quel est le traitement ?

A. F. : Il n’y a pas de traitement connu mais juste un traitement symptomatique, c'est-à-dire la prise en charge de la détresse respiratoire. Il n’y a pas d’antiviraux efficaces. Il y a des pistes mais rien n’est confirmé pour l’instant.

Quelles précautions faut-il prendre ?

A. F. : Le lavage des mains est très important ainsi que le port du masque en cas de symptômes.