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Regain de tension après la condamnation à mort d’un leader islamiste

La condamnation à mort d’un haut responsable de l’opposition islamiste au Bangladesh risque de mettre à nouveau le feu aux poudres alors que le pays est secoué par une succession de grèves et d’affrontements politiques.

Sa condamnation risque d’enflammer le Bangladesh. Le secrétaire général adjoint du parti islamiste Jamaat-e-islami, Mohammad Kamaruzzaman, a été condamné, jeudi 9 mai, à la mort par pendaison pour son rôle dans l’exécution d’une centaine de paysans lors de la guerre de sécession menée contre le Pakistan en 1971. De nombreux islamistes avaient à l’époque collaboré avec les troupes pakistanaises afin d’empêcher le Bangladesh, alors province d’Islamabad connue sous le nom de Pakistan Oriental, d’obtenir son indépendance.

Ce jugement intervient alors que le Bangladesh est en grande partie paralysé depuis mercredi par une grève générale lancée par l’ensemble de l’opposition. La décision de durcir le conflit avec le gouvernement a été prise après la dispersion sanglante de manifestants islamistes radicaux réclamant une loi anti-blasphème. L’intervention de la police anti-émeute à Dacca, dimanche dernier, se serait ainsi soldée par 44 morts, selon Amnesty International, alors que les heurts s’étendaient au reste du pays.

Un tribunal contesté

La brutale détérioration du climat politique n’a pas dissuadé les juges du Tribunal international des crimes (ICT) de prononcer la peine capitale à l’encontre de Kamaruzzaman. L’avocat de ce dernier a aussitôt annoncé qu’il ferait appel du verdict tandis que l’opposition critiquait le manque de neutralité de l’ICT. Ce tribunal - qui n’a aucun lien avec la justice internationale - a été créé par le gouvernement bangladais en mars 2010 afin de juger les crimes de guerre commis lors de la lutte pour l’indépendance.

Le jugement concernant Kamaruzzaman est la troisième condamnation à mort prononcée par l’ICT depuis sa mise en place controversée. Le haut responsable islamiste a été reconnu coupable de génocide pour ce massacre de civils désarmés à Sohagpur, un hameau dans le nord du Bangladesh passé à la postérité comme le "village des veuves". Âgé de 18 ans à l’époque des faits, Kamaruzzaman était impliqué dans divers mouvements de jeunesse islamiste avant de rejoindre le Jamaat-e-islami en 1979.

Juges sous pression ?

Les condamnations prononcées par l’ICT ont à chaque fois été accompagnées par des rassemblements rivaux saluant ou critiquant les jugements rendus par ce tribunal spécial. La mobilisation des partisans du Jamaat-e-islami, qui dénoncent une mascarade de procès visant à décimer l’opposition, a dégénéré à plusieurs reprises en affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre.

Une enquête de The Economist publiée en décembre 2012 montrait comment le gouvernement bangladais mettait la pression sur les juges pour accélérer les procédures en cours. Les révélations du journal britannique avaient alors provoqué la démission du président de l’ICT, renforçant les soupçons de procès politique.