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Délestron, l'anti super-héros ivoirien qui coupe le courant

Afin de dénoncer avec humour les coupures intempestives d'électricité dans le pays, un dessinateur ivoirien a créé un anti super-héros. Délestron sème la terreur dans les quartiers en privant de lumière les habitants.

Délestron n’a rien d’un super héros au grand cœur. Sous sa cagoule, il affiche un regard noir. Pas de combinaisons ultrasophistiquées ni de gadgets électroniques : il porte de simples bottes, des gants et un slip moulant. Son objectif n’est pas de sauver son prochain, mais au contraire de terroriser la population ivoirienne en coupant le courant de quartier en quartier.

Ce personnage détestable est né en janvier dernier de l’imagination du dessinateur et publicitaire Charles Dadié. "L’idée m’est venue à la suite d’une campagne de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) qui mettait en scène deux super-héros. Mais après son lancement, les coupures se sont encore plus aggravées. Je me suis dit que ces héros n’étaient peut-être pas à la hauteur et que finalement il y en avait un plus fort qu’eux qui les empêchaient de faire leur travail", explique à FRANCE 24 cet Ivoirien de 37 ans.

Deux fois par semaine, Charles Dadié, plus connu sous le nom d’artiste de Chabathéo, publie sur sa page Facebook un nouveau dessin de son anti-héros. "Je frappe où ce soir ?", prévient le personnage masqué surnommé Délestron en référence au terme délestage. Pour son auteur, il est le reflet d’une exaspération quotidienne : "Je l’ai créé pour me moquer de la CIE et pour dénoncer les coupures qu’elle nous fait subir. On vit un martyr. Nos appareils sautent. Cela crame nos machines. Tous les jours, il y a des pannes dans certains quartiers d’Abidjan. Imaginez à l’intérieur du pays, ils vivent carrément des journées entières sans électricité".

Une nouvelle star des réseaux sociaux

Malgré sa sournoiserie, Délestron fait de plus en plus parler de lui sur les réseaux sociaux. Alors que plus de 3 500 personnes suivent ses mauvaises actions sur Facebook, son nom est aussi très présent sur Twitter comme hashtag. Les Ivoiriens utilisent ce personnage pour raconter leurs problèmes quotidiens. "Délestron privera Bingerville et ses environs d'électricité de 8h à 18h, demain jeudi 28 mars 2013", prévient un Internaute. "Délestron frappe depuis 12h la cité de N’zueba Daoukro. Où se dirigera-t-il ce soir ?", peut-on lire sur un autre compte Twitter.

Agréablement surpris par l'engouement que suscite son personnage, Charles Dadié espère que Délestron va permettre d’améliorer la situation : "Il aide à faire prendre conscience aux Ivoiriens que leur avis compte. Nous sommes la société civile. On doit se faire entendre !". Victime de son succès, le dessinateur avoue qu’il a même été approché par des mouvements plus radicaux pour lutter contre les coupures de courant. "Je leur ai répondu non, car je ne pense pas qu’il soit nécessaire de dénoncer les choses par la violence. Ce n’est pas la meilleure des méthodes. Je préfère critiquer tout par l’humour. C’est une caractéristique des Ivoiriens !", estime l’auteur.

Un héros panafricain

Ce méchant Zorro des temps modernes dépasse aujourd’hui les frontières de la Côte d’Ivoire. Avec des coupures de courant à répétition dans de nombreux pays africains, Délestron est adopté un peu partout sur le continent. Des Béninois, des Burkinabè ou encore des Tchadiens le citent sur Internet. "C’est un héros panafricain !", souligne Charles Dadié qui a déjà de nombreuses idées pour l'avenir de son personnage. Il travaille actuellement sur une bande dessinée entièrement consacrée à Délestron.