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Les Hamidovic, un réseau de pickpockets dans le box des accusés

Le procès du réseau de pickpockets Hamidovic, responsable présumé de 75% des vols à la tire dans le métro parisien, s’achève. Malgré le démantèlement du réseau, la délinquance dans les transports, notamment contre les touristes asiatiques, perdure.

La scène se déroule sur la ligne 12 du métro parisien, un samedi ensoleillé du mois d’avril. Le métro est bondé, quelques touristes tentent, tant bien que mal, de se frayer un chemin dans les rames bondées. "Un couple de jeunes asiatiques est entré dans le métro, raconte un témoin. L’homme portait un sac à dos. Trois filles, très jeunes, manifestement originaire d’Europe de l’Est, sont montées juste derrière eux. L’une a mis la main dans le sac de l’homme, mais sa copine l’a vue et s’est mise à crier. Les trois filles se sont enfuies. Elles n’ont pas réussi à prendre quoi que ce soit. Mais tout s’est passé tellement rapidement ! Le métro était toujours sur le quai, les portes ne s’étaient pas encore refermées."

Les Hamidovic dans le box des accusés

"Un contrôle très serré"

"Les jeunes filles Hamidovic subissaient un contrôle à distance très serré. Elles recevaient constamment des coups de fil sur leur téléphone portable, et devaient systématiquement rappeler depuis des cabines téléphoniques. Ce contrôle à distance est un processus que l’on retrouve dans les phénomènes de traite des êtres humains et n’est pas sans conséquences psychologiques importantes".

Guillaume Lardanchet, directeur de l’association d’aide à l’enfance Hors la rue.
 

Une scène aujourd’hui presque banale dans le métro parisien. Pourtant fin 2010, la police annonçait avoir démantelé le réseau responsable de 75 % des vols à la tire dans le métro de la capitale : celui des Hamidovic, connu comme le loup blanc par les services de police. Les petites mains étaient essentiellement des très jeunes filles, des tziganes de Bosnie-Herzégovine, opérant en bandes dans le métro de Paris ou dans les lieux fréquentés par les touristes. Un casse-tête pour les policiers : mineures, elles ne pouvaient pas être placées en garde à vue. À chaque fois que l’une d’entre elles se faisait pincer, la police n’en tirait qu’un nom de famille : Hamidovic. Et, à chaque fois, la même affirmation : "Impossible famille joignable". Une paire d’heures plus tard, la jeune fille était relâchée et retournait fouiller les poches des touristes dans le métro.

Trois ans d’enquête ont été nécessaires pour démanteler le réseau. Trois ans d’observation, de collecte d’information et de traque. Aujourd’hui, le procès du cœur présumé du réseau Hamidovic touche à sa fin. Vingt-deux personnes étaient présentes dans le box des accusés depuis le 25 mars pour répondre de traite d'être humains, association de malfaiteurs et provocation de mineurs à commettre des délits. À leur tête, selon l’accusation, Féhim et Behija Hamidovic, cueillis par la police en Italie où ils menaient grand train dans leur grande villa cossue de Rome. Également propriétaire d’une maison secondaire et d’une porsche Cayenne, le couple ne déclarait aucun revenu. Tous les 15 jours, les fils du couple se rendaient dans le sud de la France où les belles-filles et les nièces du couple Hamidovic venaient leur remettre les sommes dérobées dans le métro de Paris, mais aussi de Madrid et de Bruxelles.

"Les mineures sont aussi des victimes"

À l’autre bout du réseau œuvraient les chapardeuses du métro. Contraintes de ramener au moins 300 euros par jour sous peine de violences - passages à tabac, brûlures de cigarette et, selon l’une d’elles, des viols -, elles détroussaient principalement les touristes asiatiques qui voyagent souvent avec de grosses sommes d’argent sur eux. La police a récolté une dizaine de témoignages. Mais aucune d’entres elles ne s’est présentée à la barre lors du procès. Aucune ne s’est portée partie civile. Des peines lourdes ont été requises à l’encontre des chefs présumés du réseau - quinze ans de prison ont été requis contre Féhim Hamidovic, 12 ans contre sa femme et 10 ans contre trois de ses fils. Mais sans témoins à la barre, les accusations n’ont pas eu la même portée. Le jugement a été mis en délibéré.

"Elles se sont volatilisées", déplore Guillaume Lardanchet, directeur de l’association Hors la rue, qui a accompagné quelques-unes des "Hamidovic" avant le procès. "On réprime la tête du réseau, ce qui est une très bonne chose, mais on oublie que ces jeunes mineures sont aussi des victimes en situation d’exploitation. On ne sait pas comment les maintenir hors de portée des réseaux, on ne sait pas les protéger de façon adéquate." Les foyers sociaux à l’enfance et les centres d’accueil d’urgence dans lesquels ont été placées les jeunes filles ne sont pas fermés, les familles et les membres des réseaux mafieux traînent à l’extérieur, font du chantage affectif aux enfants ou leur font peur. "Ces mineures, aux parcours souvent complexes - elles n’ont parfois connu que ce mode de vie - ont une méconnaissance profonde des institutions et de notre culture, ce qui complique encore plus les choses", ajoute Guillaume Lardanchet. Pour lui, les petites mains Hamidovic "ont probablement été reprises par le réseau". Car, selon lui, ces mafias continueront de fonctionner "tant qu’elles auront la matière première pour le faire. La matière première, ce sont les mineurs. Tant qu’il n’y aura pas de système de protection efficace, ça continuera".

Deux mois de calme dans le métro

Les Chinois, cibles privilégiées des pickpockets

Les touristes chinois sont tout particulièrement la cibledes pickpockets. Moins coutumiers que les Européens de la carte bleue, ils se promènent avec d’importantes sommes d’argent pouvant aller jusqu’à 10 000 ou 20 000 euros en cash, selon Jean-François Zhou, directeur d’une agence spécialisée dans l’accueil des touristes chinois en France.

Pour la France, l’enjeu est énorme. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à visiter le pays (1,1 million en 2012, deux millions attendus à l’horizon 2020) et dépensent en shopping environ 60 % de leur budget voyage, surtout en produits de luxe, soit 1 470 euros en moyenne par enseigne (en détaxe), selon le leader mondial de la détaxe Global Blue.

Après l’arrestation de la famille Hamidovic fin 2010, les touristes et usagers du métro parisien ont pu souffler un peu. Mais la trêve a été de courte durée. "La situation s’est remarquablement améliorée pendant deux mois", explique Stanislas Gaudon, délégué du syndicat de police Alliance de la direction de l’ordre public et de la circulation. "Mais de nouveaux mineurs originaires de Roumanie ou de Bulgarie ont très rapidement remplacé les Hamidovic dans le métro et le RER. Des mineurs agissent aussi sur les sites touristiques comme le Louvre, près des grands magasins, et près des parkings où stationnent les cars touristiques", poursuit-il. Aucune preuve tangible ne permet d’établir de façon irréfutable un lien entre les Hamidovic et les autres bandes de petits pickpockets, mais "il s’agit du même type de mineurs et de nationalités opérant dans les différents endroits" de la capitale, note le policier.

Début avril, les agents d’accueil du Louvre ont exercé leur droit de retrait, contraignant le plus célèbre musée de France à fermer ses portes pendant une journée. La raison de la fronde : l’insécurité provoquée par le nombre croissant de pickpockets dans les salles. Des voleurs de tous genres et de tous horizons, précise Christelle Guyader, déléguée du syndicat Sud-Cultures solidaires, mais parmi lesquels se trouvent nombre de jeunes gens originaires d’Europe de l’Est appartenant à des bandes organisées. Le phénomène prend une telle ampleur que la ministre du Tourisme, Sylvia Pinel, a dû se fendre fin mars d’une déclaration visant à rassurer les touristes venant de Chine, où la récente attaque d’un groupe en région parisienne a fait les gros titres plusieurs jours durant. "Cela devient un fléau. Depuis l’an dernier, on a quasiment quotidiennement des attaques, affirme Jean-François Zhou, directeur d’une agence spécialisée dans l’accueil des touristes chinois. Si les agressions continuent, ça risque de nous pénaliser. Pour l’instant, venir à Paris est un rêve pour les Chinois. Mais ça peut changer."

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Les touristes chinois inquiets