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Le Liban pris en étau entre tensions confessionnelles et crise politique

Alors que la crise syrienne menace le Liban, les incidents sécuritaires et les enlèvements à caractère confessionnel se multiplient. Une situation explosive alors que le Liban est sans gouvernement depuis la démission du Premier ministre Mikati.

Dignitaires religieux molestés, enlèvements en série et affrontements armés : les incidents à caractère confessionnel se multiplient au Liban à mesure que la Syrie voisine s’enlise dans la guerre. Le 1er avril, un cheikh salafiste, Salem Raféi, soutien notoire de la rébellion syrienne formée en majorité de sunnites, a échappé à une tentative d’assassinat. L’évènement a eu lieu à Tripoli, la capitale du nord du pays, qui est régulièrement le théâtre d'affrontements armés entre sunnites et alaouites - une branche de l'islam chiite dont est issu le président syrien Bachar al-Assad -, respectivement opposants et partisans du régime syrien.

Lors de la même journée, huit Syriens de confession alaouite ont été enlevés toujours dans le nord du Liban. Selon plusieurs médias locaux, ils seraient séquestrés par une famille dans la perspective d’un échange. Un responsable local, cité par le quotidien "L’Orient-le-Jour", affirme que les huit individus sont considérés comme des "invités", et que leurs ravisseurs "pensent que des proches des otages étaient impliqués dans le rapt de leur fils, qu’ils avaient remis aux autorités syriennes, il y a plus d’un an". 
Enlèvements en série
La semaine dernière, c’est dans l’est du pays, dans la plaine de la Bekaa adossée à la frontière avec la Syrie, que plusieurs enlèvements ont eu lieu. Les Jaafar, un clan familial chiite, ont en effet kidnappé plus d’une dizaine de sunnites pour récupérer un des leurs, retenu en otage. Ainsi, même si certains experts affirment que cette affaire relève plus de règlements de comptes liés au banditisme, il n’empêche qu’elle contribue à exacerber les tensions confessionnelles dans une région réputée plus sensible que le nord et qui est potentiellement une poudrière puisqu’elle abrite des populations sunnites et chiites.
Enfin, mi-mars, l’agression de quatre religieux sunnites dans deux quartiers majoritairement chiites de Beyrouth avaient également plongé le pays dans l’inquiétude. Le Hezbollah et le mouvement Amal, les deux principaux partis chiites du Liban, avaient rapidement condamné ces attaques pour empêcher tout risque de dérapages communautaires. Cette tension et ces incidents ne sont pas sans rappeler la guerre du Liban (1975-1990), durant laquelle les enlèvements confessionnels furent légion.
"Toutefois, malgré tous les signaux inquiétants et une instabilité sécuritaire quasi-chronique, l’armée libanaise et les forces de sécurité sont parvenues jusqu’ici à empêcher un embrasement général en intervenant au cas par cas pour circonscrire des incendies qui autrefois auraient provoqué des catastrophes", explique Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l’université Paris-XI.
Vers une impasse politique ?
Depuis peu, à l’instabilité sécuritaire est venue s’ajouter une crise politique puisque le Liban est sans gouvernement depuis le 22 mars, date de la démission surprise du Premier ministre Najib Mikati. Une décision qui a plombé la préparation des législatives prévues en juin. Les élections risquent désormais d’être reportées, et ce alors qu’elles étaient déjà bloquées faute d’un accord politique entre les différents partis sur une loi électorale. Pis, la nomination d'un nouveau Premier ministre s'annonce difficile tant il parait improbable qu’un accord soit rapidement trouvé sur un nom qui contenterait l’opposition et la majorité.
"Les positions en flèche des deux camps politiques adversaires au sujet de la fonction et de la nature du prochain gouvernement, et, par extension, de la loi électorale n’augurent rien de bon", est-il écrit dans un éditorial publié le 2 avril sur le site de "L’Orient-le-Jour".
Les consultations parlementaires contraignantes, qui seront conduites par le président Michel Sleimane en vue de la nomination d’un nouveau chef de gouvernement, sont prévues les 5 et 6 avril. "La classe politique devra prendre ses responsabilités et s’entendre. Car si en plus du durcissement du discours confessionnel et des problèmes sécuritaires liés essentiellement à la crise syrienne venaient s’ajouter une impasse politique et un vide sécuritaire, le Liban se rapprochera alors un peu plus du bord du précipice, dans lequel il avait évité de tomber jusqu’ici", poursuit Khattar Abou Diab.
En effet, Najib Mikati avait officiellement opté pour une politique de distanciation en restant neutre vis-à-vis de la crise syrienne. Ce qui avait permis au Liban de rester relativement à l’abri d’un embrasement général.