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François Hollande et l'écueil de la "communication sans message"

Désavoué publiquement par un député socialiste, en proie à une forte impopularité et confronté aux chiffres catastrophiques du chômage, le président aura fort à faire pour rassurer les Français lors de son intervention télévisée, jeudi.

Un discours pour se relancer. À l’occasion d’un grand oral de 45 minutes, jeudi 28 mars sur France 2, François Hollande tentera une nouvelle fois de rassurer les Français sur sa capacité à relever le pays et de les convaincre de la justesse de sa politique économique et sociale.

Un exercice qui s'annonce compliqué pour le chef de l'État français : alors que sa cote de popularité flirte avec des plus bas historiques - 31 % de bonnes opinions seulement, selon un sondage Ipsos-Le Point publié lundi -, il doit aussi faire face à une nouvelle hausse des chiffres du chômage qui frôlent désormais leur record de 1997. Mardi, le ministère du Travail a, en effet, annoncé une hausse de 0,6 % du nombre de demandeurs d'emploi au mois de février, portant leur nombre à 3,187 millions.

Mais le locataire de l'Élysée n’en démord pas : la courbe du chômage peut encore être inversée d’ici à la fin de l’année. "Ce n'est pas un problème de conviction, pas simplement une croyance, c'est une volonté, c'est un objectif, et je m'y tiendrai", a-t-il martelé dans la foulée, à l’occasion d'une conférence de presse avec le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy.

Un engagement qu’il avait déjà défendu lors de sa dernière grande intervention télévisée, le 13 novembre 2012, durant laquelle il avait annoncé pléthore de mesures, notamment en faveur de l’emploi et de la compétitivité des entreprises.

Prouver qu’il y a un pilote dans l’avion

Pour François Hollande cependant, la bataille pour la reconquête des Français ne se jouera pas seulement sur le front économique et social, jeudi soir. Incartades intempestives, annonces infondées... : depuis le début de son quinquennat, le président doit également composer avec les innombrables bourdes de ses ministres. "Beaucoup d’entre eux se comportent comme s’ils étaient les présidents de la République de leur ministère ! Ils suivent leur agenda, font leurs propres annonces, leur propre communication sans validation de Matignon ou de l’Élysée…", relève Thomas Guénolé, politologue et maître de conférence à Sciences-Po, contacté par FRANCE 24.

Autant de dérapages qui semblent aujourd'hui en passe de contaminer la majorité présidentielle. Le président vient ainsi d’être ouvertement désavoué par un élu issu de ses propres rangs. "Quand on est président de la France, on n'est pas conseiller général d'un canton ! On prend la mesure de la situation, et on change de braquet", a ainsi lancé lundi dans les couloirs de l’Assemblée nationale Pascal Cherki, député-maire du 14e arrondissement de Paris, visiblement irrité par la politique menée par le chef de l’État. "Il faut arrêter ces discours que personne n'entend, que personne ne comprend... 'Le redressement dans la justice, le nouveau modèle français', cette espèce de novlangue imbitable !", a-t-il poursuivi.

Une sortie quasi-impensable du temps de Nicolas Sarkozy qui gérait sa majorité d’une main de fer. "Autant sous ‘l’hyperprésidence’ du précédent président nous avions le sentiment que le pays était trop tenu, autant l’ère Hollande nous donne l’impression que cette fois-ci le pays ne l’est pas assez…, relève Thomas Guénolé. Et je pense que d’autres voix vont commencer à s’élever à gauche pour critiquer François Hollande car il est un président par défaut. Il y a toujours eu un doute sur son aptitude à la fonction, même au sein du Parti socialiste", explique celui-ci.

Une stratégie de communication à revoir

Pour relever le défi, le président a donc tout intérêt à réviser sa stratégie de communication, poursuit le politologue. "Une conférence pédagogique servant à démontrer que les mesures déjà prises sont bonnes serait le pire des scénarios. Lorsque l’on s’adresse aux Français dans une émission fleuve telle que celle qui l’attend, on doit avoir quelque chose de substantiel à dire. Autrement, son message sera mal accueilli", prévient-il.

Il n’est donc pas exclu que le président fasse une annonce "spectaculaire". "Il sait qu’énoncer un catalogue de mesures à la Sarkozy n’est pas la solution. Par conséquent, il pourrait à tout le moins afficher un cap clair du type : 'Nous conduisons officiellement une politique d’austérité et de compétitivité' ou 'Nous partons sur une relance de la croissance dont une partie devra être payée par le système financier'", détaille Thomas Guénolé. Dans tous les cas, "une politique mieux assumée" ne pourra qu’être bénéfique à la popularité en berne du président, selon le politologue.

Reste que, jusqu'à présent, les interventions visant à annoncer des mesures concrètes se font rares et n’incarnent pas vraiment "le style Hollande". "Ces derniers mois, le président a plutôt communiqué pour communiquer. C’est une erreur récurrente de la part de l’Élysée", estime encore Thomas Guénolé. Dernier exemple en date selon lui : le déplacement du chef de l’État à Dijon, en Côte d’Or, que le chercheur considère comme un véritable "exercice théâtral" pour se rapprocher des Français à l’heure où l’Europe et le conflit au Mali occupent plus que jamais l’agenda présidentiel.

La réponse systématique de François Hollande quant aux inquiétudes des Français face au flou de sa politique, "c’est de la communication sans message. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on écoute rarement ses discours jusqu’au bout", conclut le politologue.