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Le bouillonnant maire de Londres, Boris Johnson, plus francophile que jamais

En visite à Paris pour faire la promotion de son livre, le fantasque maire de Londres s'est attaché, vendredi, sur les ondes de France Inter, à aplanir son image de francophobe et d’eurosceptique. Et dans la langue de Molière, s'il vous plaît.

C’est dans un français certes hésitant mais intelligible que le maire de Londres, Boris Johnson, est intervenu, vendredi 15 mars, sur les ondes de France Inter. Officiellement en tournée promotionnelle pour son ouvrage "Une autre histoire de Londres", (éd. Robert Laffont), le bouillonnant édile conservateur de la plus grande ville d’Europe en a profité pour livrer ses vues sur l’avenir de sa ville, bien sûr, de la France, qu’il aime d’ordinaire tant égratigner, et de l’Union européenne à laquelle nombre de ses amis "tories" aimeraient bien dire "bye bye".

Personnalité politique outrancière qui a fait des déclarations à l’emporte-pièce sa marque de fabrique, "Boris le Bouffon", comme le surnomment les tabloïds britanniques, jouit d’une très grande popularité en son royaume. De quoi lui faire penser, dit-on outre-Manche, à Downing Street en se rasant...

"Avec Cameron, on est comme Wallace et Gromit"

Au micro de France Inter, l’excentrique "tory" de 48 ans ne laisse pourtant rien filtrer de ses ambitions politiques. Tout juste se permet-il une petite saillie sur le Premier ministre britannique qui, parions-le, devrait faire un peu de bruit sur les bords de la Tamise : "Avec [David] Cameron, on est comme Wallace et Gromit ?" Boris Johnson se gardera bien de préciser qui est le maître et qui est le chien du célèbre film d’animation en pâte à modeler.

Soucieux de ne fâcher personne dans les rangs conservateurs, "BoJo" assure n’être dévoué qu’à sa tâche de maire. "J’ai encore trois années pour Londres et c’est un très long temps politique", affirme-t-il. À la tête de la capitale britannique depuis qu’il l’a ravie au travailliste Ken Livingstone en 2008, Boris Johnson se targue à qui veut l’entendre d’administrer une ville dont la puissance financière constitue une force en ces temps de mondialisation et, partant, une chance pour les pays du vieux et fragile continent. Au premier rang desquels le voisin hexagonal.

"Londres est un atout français […] C’est à la City que les compagnies françaises trouvent l’argent pour se développer, insiste-t-il. Il y a de grandes compagnies françaises à Londres et nous sommes fiers." Des propos pour le moins surprenant de la part d’un champion de ce sport national qu’est le "french bashing" (railleries anti-françaises) au Royaume-Uni.

Francophilie de raison

Nul doute que François Hollande se souvient encore des propos peu amènes du maire de Londres, en octobre 2012, sur la politique fiscale française qu’il avait alors qualifiée de "pire tyrannie que la France ait connue depuis 1789". Ou de ses remarques, en pleine affaire Mittal en novembre dernier, sur les socialistes français se comportant comme des "révolutionnaires sans-culottes".

"J’aime très bien la France, se défend-il aujourd’hui sur France Inter. J’avais une grand-mère qui est née dans une banlieue de Paris, qui s’appelle Versailles." Voilà pour le pedigree. Au quotidien, son amour pour l’Hexagone se traduirait par une politique du "tapis rouge" déroulée aux "froggies". "Je suis un grand admirateur de la France, on aime recevoir les Français […] Il y a 250 000 Français à Londres, je suis donc le maire de la sixième ville française. Et, à mon avis, ils votent pour moi !"

Mais la francophilie de Boris Johnson se manifeste surtout sur le terrain économique. "Aujourd’hui, à Londres, les rues sont nettoyées par une compagnie française, l’eau et l’électricité est produite par une compagnie française", détaille-t-il. Et, comble du "shocking", "les grands bus rouges de Londres appartiennent à une compagnie française. C’est incroyable !" Depuis 2011, la RATP exploite une soixantaine de lignes du réseau de bus londonien. "Est-ce que c’est possible qu’un maire de Paris accepte qu’un bus anglais circule sur ses voies. C’est nous les bons Européens !"

"Le problème, c’est l’euro"

L’Europe justement. Responsable de tous les maux pour beaucoup de conservateurs, l’Union européenne (UE) ne trouve grâce aux yeux de l’élu londonien que dans ce qu’elle favorise les échanges commerciaux. Partisan de la tenue d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans le club des Vingt-Sept, Boris Johnson ne fait cependant pas partie des plus radicaux eurosceptiques qui fourmillent au sein de son parti. Loin de vouloir rompre totalement avec Bruxelles, il prône régulièrement la redéfinition des relations avec l’Union. "Personnellement, je voudrais qu’on reste dans le marché unique. Les Anglais ont fait des bonnes choses pour l’Europe." Un pied dedans, un pied dehors.

Mais il y a plus grave que l’UE, la monnaie unique. "Le problème de l’Europe, c’est l’euro et non pas les banquiers et les financiers de Londres sur lesquels on tape régulièrement", accuse Monsieur le maire, toujours prompt à défendre au passage la City. Le Royaume-Uni et sa livre sterling, pourtant, ne semblent guère en grande forme olympique. En février 2013, le nombre de chômeurs atteignait les 7,8 % de la population active.

Le modèle français ?

"Le Royaume-Uni souffre un peu de sa proximité avec la zone euro et du manque de confiance qu’il y a en Europe, diagnostique Boris Johnson. On a les mêmes problèmes de dette mais la confiance ne revient pas alors qu’on essaie de résoudre les problèmes de l’euro. Les Grecs et les Espagnols souffrent. Pour moi, c’est étonnant qu’il n’y ait pas plus de réactions politiques."

La solution ? Elle se trouverait aux antipodes de l’austérité défendue par David Cameron. "Dans toute l’Europe, il faut investir les infrastructures comme vous le faites bien en France." Et d’ajouter, peu avare de compliments : " Quand j’arrive à Charles-de-Gaulle [l’aéroport de Roissy] et que je vois les quatre pistes d’atterrissage, j’ai envie de faire quelque chose comme ça. Je suis plein d’admiration pour les infrastructures françaises. Et il faut imiter cela en Angleterre." Les révolutionnaires sans-culottes doivent apprécier.