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Des Saoudiennes à l'Assemblée : "Une avancée significative mais symbolique"

Pour la première fois dans l’histoire du royaume, trente femmes saoudiennes siègent depuis le 19 février au sein de l’assemblée de la Choura. Un progrès indéniable, admet Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe, mais essentiellement symbolique.

Elles n’ont toujours pas le droit de conduire une voiture, d’ouvrir un compte bancaire ou de voyager sans l’autorisation d’un tuteur, mais elles pourront désormais siéger comme les hommes au Conseil de la Choura - une assemblée purement consultative dont les membres sont désignés par le roi. Le souverain Abdallah a en effet autorisé, mardi, pour la première fois, trente femmes saoudiennes à pénétrer dans cet hémicycle jusque là exclusivement masculin.

Le décret inédit a été annoncé le 11 janvier dernier, mais les trente "députées" ont été officiellement investies mardi 19 février. Elles représentent un cinquième de l’assemblée et pourront dorénavant tenter de faire entendre leur voix dans ce royaume ultraconservateur, réputé pour ses restrictions en matière de droits des femmes.

"Le roi n’a pas nommé des rebelles féministes"

Faut-il voir pour autant dans cette initiative du roi Abdallah le signe d'une réelle avancée progressiste ? Pas vraiment, estime Antoine Basbous, le directeur de l’Observatoire des pays arabes, contacté par FRANCE 24. "C’est une avancée significative, certes, mais surtout symbolique."

D’une part, ces femmes ont toutes été désignées par le Palais. "Évidemment, le roi, même s'il se pose en réformateur, n’a pas nommé des féministes, des rebelles, prêtes à bouleverser le pays", explique le spécialiste, "toutes ces Saoudiennes, bien que hautement qualifiées, ont été triées sur le volet", ajoute-t-il.

Leur rôle est aussi purement consultatif : la Choura est chargée d’émettre des recommandations et des projets de loi en vue de leur approbation par le roi. Elles n’auront donc concrètement aucun poids législatif. Néanmoins, leur simple nomination a suffi à affoler la frange la plus conservatrice du pays. Quelques jours après cette annonce, une cinquantaine de dignitaires religieux ont manifesté – fait rarissime - devant le Palais royal pour dénoncer cette décision.

Séparées des hommes par des barrières

Désireux de ne pas se mettre à dos le haut clergé, résolument réfractaire à toute évolution de la femme dans la société, le souverain Abdallah a donc habilement pris soin de maintenir certaines traditions, notamment l'interdiction de la mixité. Séparées des hommes, les trente nouvelles "députées" accéderont donc à la Choura par leur propre entrée. Elles ne pourront ni voir, ni parler à leurs collègues masculins.

"Elle seront séparées des hommes par des barrières. Le chantier est d'ailleurs en cours dans le Majlis [Choura]. Elles pourraient même porter la burqa à la saoudienne [leurs yeux seraient recouverts d'un voile, ndlr]. Alors, on pourra à peine les identifier", énumère Antoine Basbous avant d’admettre "qu’il fallait bien commencer par quelque part".

Le roi Abdallah n’a pas d’autre choix que de réformer "graduellement et en douceur pour ne pas brusquer la société" même s’il a une "réelle envie de moderniser son pays", continue l’expert. Le monarque s’était, en effet, déjà illustré par ses actions "progressistes". Il a octroyé, en 2011, le droit de vote aux femmes lors des élections municipales. Les Saoudiennes pourront donc non seulement déposer leur bulletin dans l'urne, mais aussi se présenter. Il a également défié une première fois les religieux en 2009 en nommant, pour la première fois, une femme, Noura al-Fayez, au poste de vice-ministre de l’Éducation pour les filles.