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Quand Twitter parasite les débats parlementaires sur le mariage pour tous

Suspension de séance, rappel du règlement : l’utilisation de Twitter par les députés durant les longues heures du débat sur le mariage pour tous démontre l’influence grandissante des réseaux sociaux sur le travail parlementaire.

Quand 140 caractères viennent perturber le débat parlementaire déjà très troublé autour du mariage pour tous. Les empoignades entre députés jusqu’au bout de la nuit autour des quelque 5 000 amendements au projet de loi proposant d’élargir le mariage aux personnes de même sexe ne se limite plus à l’Hémicycle.

L’agora virtuelle qu’est Twitter offre, ainsi, une caisse de résonance que les parlementaires se sont empressés d’utiliser à outrance durant les débats. À tel point que le flot ininterrompu de gazouillis utilisant les hashtags  #DirectAN et #mariagepourtous a provoqué ces derniers jours une série d’incidents à l’Assemblée nationale. L’utilisation du célèbre réseau de micro-blogging devrait même être à l’ordre du jour d’un prochain groupe de travail sur le fonctionnement de la vénérable chambre basse, a appris Europe 1, lundi 4 janvier.

Mariton et son rappel au règlement. C'est moins drôle que son total look parme. Bree, je vous dis #DirectAN #mariagepourtous

— sergio coronado (@sergiocoronado) 1 février 2013

Twitter n’en est pas à ses débuts dans l’Hémicycle. Plus de 300 députés l’utilisent pour commenter les travaux à l’Assemblée d’après Europe 1. Certains d’entre eux, tel le député UMP Lionel Tardy, sont même devenus de vraies stars de ce réseau. Mais cette fois-ci, les gazouillis rageurs de certains ont créé un précédent : une suspension de séance. L’incident est survenu vendredi 1er février à 22h30. Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, demande... et obtient une suspension de séance à cause d’un tweet posté quelques heures plus tôt par le député d'Europe Écologie Les Verts Sergio Coronado comparant son collègue UMP Hervé Mariton à Bree, l’une des Desperate Housewives.

L’intégrité des débats remise en cause

Une véritable chasse au dérapage sur le réseau social s'est alors ouvert, chacun scrutant le fil de son voisin de banc ou des députés du camp opposé. Il faut dire que le débat sur le mariage pour tous inspire bon nombre de députés qui se lâchent en 140 caractères. L’UMP Jean-Sébastien Vialatte (Var) n’a ainsi pas hésité mardi 5 janvier à comparer la ministre de la Justice, Christine Taubira à “une harpie”. Philippe Gosselin (UMP) estime même qu’un message posté depuis l’extérieur de l’Hémicycle par son collègue PS Jerôme Guedj est contraire au règlement de l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, Claude Bartelone, président de l’Assemblée, rétorque que “la charge de la présidence consiste à veiller au bon déroulement de nos travaux dans l'Hémicycle. Ce serait lui demander beaucoup que de veiller aussi à ce qui se dit à l'extérieur."

#Taubira pete un câble a l'assemblée combien de temps allons nous supporter cette harpie comme garde des sceaux

— J-Sébastien Vialatte (@JS_Vialatte) 5 février 2013

Cette avalanche de tweets de parlementaires prouve en tout cas l’importance prise par les réseaux sociaux depuis qu’en juillet 2012 les élus ont obtenu le droit d’y accéder. Le problème, comme le souligne LASPIC (un blog traitant de l’Assemblée nationale, des technologies et du pouvoir), est que cette utilisation sans modération remet en cause “l’un des principes fondamentaux” du fonctionnement de l’Assemblée nationale. “Le travail parlementaire a été conçu de telle façon que, durant le temps des débats et des votes, l’Hémicycle soit littéralement coupé du monde extérieur pour en préserver l’intégrité”, explique ce blog spécialisé. Les députés, ainsi enfermés, ne peuvent théoriquement pas subir de pression des lobbys en tout genre.

Lire les twitts sur #DirectAn est aussi drôle que de lire les twitts des comptes humoristiques que je suis. Bon signe ?

— pikipoki (@pikipoki1) 5 février 2013

Twitter, et plus généralement les nouveaux moyens de communication, a rouvert une porte vers le monde extérieur. D’ailleurs, le monde extérieur, un temps amusé par les outrances des députés gazouilleurs commencent à trouver que la blague a assez duré. “Lire les tweets sur #DirectAn est aussi drôle que de lire les tweets des comptes humoristiques que je suis. Bon signe ?”, s’interroge faussement ingénue pikipoki, un internaute qui tient un blog sur la philosophie, la psychologie et la politique.