
Alors que des voix s'élèvent pour critiquer l'action des services de renseignements algériens après la prise d'otages mortelle d'In Amenas, le politologue Mohamed Chafik Mesbah évoque la "régénération du terrorisme".
"Négligence", "défaillance"... Cinq jours après la prise d'otages qui a conduit à la mort de 38 personnes à In Amenas en Algérie, l'armée algérienne est sous le feu des critiques. Le 12 septembre 2012, dans une vidéo postée par le groupe terroriste à l'origine de l'attaque du site gazier, Mouwaqqiiin bi-d-dam ("Ceux qui signent de leur sang"), les menaces de représailles en cas d'intervention française au Mali étaient claires. Deux mois plus tard, en novembre, une cellule terroriste de 12 personnes, qui plannifiait des attaques sur les installations pétrolières étrangères du sud de l'Algérie, avait été démantelée par la police. Pourtant, malgré ces signaux d'alerte, aucune mesure particulière n'a été prise pour renforcer la sécurité des sites. De quoi alimenter la suspicion. Ainsi, Jeremy Keenan, spécialiste britannique de la région du Sahel et professeur à l'université de Londres, n'a pas hésité à parler d‘'inside job’ (une opération menée de l’intérieur, ndlr), lors d'une interview accordée le 16 janvier à la chaîne britannique BBC News. Pour Mohamed Chafik Mesbah, politologue et officier supérieur de l'armée à la retraite, il ne s'agit que de "spéculations". Interview.
FRANCE 24: Des analystes à l’image du sociologue britannique Jeremy Keenan, accusent les autorités algériennes d’avoir laissé faire l’attaque terroriste contre In Amenas. Cela vous parait-il plausible ?
Mohamed Chafik Mesbah: Ce genre de spéculations ne repose pas sur des faits établis. Tout le monde peut évoquer de telles hypothèses, encore faudra-t-il faire la démonstration de leur bien-fondé. Il me semble exagéré de prêter de telles intentions aux autorités algériennes. Nous sommes bien en présence d’une régénération du phénomène terroriste que les services de renseignements et de sécurité algériens ont des difficultés à affronter. Sans doute, les méthodes doivent-elles évoluer. Autrement, il y a bien un phénomène terroriste qui prend place au Sahel sous une forme nouvelle et durable.
F24 : Le parcours du groupe terroriste jusqu’au site d’In Amenas est troublant. L’accès au site a été aisé. Quelles défaillances peuvent être mises en évidence ?
M.C.M.: À l’évidence, il existe une défaillance parfaitement décelable dès le prime abord. Il s’agit des anomalies qui ont caractérisé la protection interne du site attaqué d’In Amenas. Cette protection interne est à la charge de l’entreprise qui gère le site avec l’assistance de sociétés de gardiennage privées. Il est clair que l’État devra réviser cette concession accordée aux compagnies pétrolières et prendre en charge autrement la protection de ces sites sensibles.
F24 : Le président Bouteflika a été critiqué pour sa gestion de la crise. Quelles pourraient être les conséquences pour son éventuelle candidature pour 2014 ?
M.C.M.: L’épisode d’In Amenas aura des répercussions sur une éventuelle candidature de M. Bouteflika en 2014. L’autorisation de survol accordée aux aéronefs militaires français ainsi que l’ambiguïté de la position de M. Bouteflika vis-à-vis de l’islamisme politique peuvent assombrir ses relations avec l’institution militaire et sécuritaire.
F24: Comment pourrait évoluer la position algérienne sur le Mali ?
M.C.M.: Le président Bouteflika va tenir compte, probablement, des réserves de l’institution militaire. Hors de question que l’Algérie s’implique militairement au Mali ou qu’elle agisse dans un cadre de collaboration exclusive avec la France. Dans un cadre onusien, plus général, l’Algérie continuera d’apporter sa contribution au dénouement de la crise au Mali.