
Le chef de l’opposition syrienne, Moaz el-Khatib (photo), a refusé d'aller à Moscou afin de renouer le dialogue avec le régime d'Assad. Depuis plusieurs jours, la Russie s’active sur le front diplomatique pour trouver une issue au conflit syrien.
La Russie serait-elle en train de revoir sa position sur le dossier syrien ? Jusqu’alors principal allié du régime de Damas, Moscou a joué une carte diplomatique conséquente, vendredi, en incitant Bachar al-Assad à faire le "maximum" pour renouer le dialogue avec les rebelles.
"Nous encourageons activement le régime syrien à mettre ses actes en conformité avec sa parole sur la tenue de discussions avec l’opposition", a déclaré Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.
itNon seulement la Russie fait pression sur Damas mais elle tend également la main aux opposants de son indéfectible allié. Moscou a en effet envoyé, vendredi, une invitation à Moaz el-Khatib, le chef de l’opposition syrienne, afin que ce dernier vienne participer à des négociations en vue d’un règlement du conflit.
Une invitation que l’opposition a toutefois déclinée, vendredi soir. "Nous avons dit clairement que nous n'irions pas à Moscou. Nous pourrions nous rencontrer dans un pays arabe s'il y a un ordre du jour clair", a répondu Moaz el-Khatib dans un entretien accordé à al-Jazeera.
Le chef de l’opposition syrienne a exigé, par ailleurs, que Sergueï Lavrov adresse des excuses pour avoir traité le "massacre du peuple syrien comme s'il s'agissait d'un pique-nique" et pour continuer à soutenir impunément Bachar al-Assad. À l’exception de la Russie et de la Chine, la plupart des pays arabes et occidentaux ont, tour à tour depuis novembre, reconnu l'opposition comme seule représentante du peuple syrien.
"Si nous ne représentons pas le peuple syrien, pourquoi (les Russes) nous invitent-ils ? Et si nous le représentons, pourquoi la Russie (...) ne condamne-t-elle pas clairement la barbarie de ce régime et ne réclame-t-elle pas la démission d'Assad ? Ce sont les conditions sine qua non des négociations", a ajouté Moaz el-Khatib.
Une ligne plus souple
Alors qu’elle avait jusqu’ici bloqué avec la Chine les trois projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le président Bachar al-Assad, la Russie semble se positionner sur une ligne désormais plus souple.
Après avoir reçu la délégation du vice-ministre syrien Fayçal Mokdad jeudi 27 décembre, Moscou accueille, vendredi, le chef de la diplomatie égyptienne Mohamed Amr avant de recevoir, samedi, l’émissaire international de l’ONU pour la Syrie, Lakhdar Brahimi.
"Nous écouterons ce que Lakhdar Brahimi a à nous dire et ensuite, nous prendrons une décision concernant une nouvelle rencontre" tri-partite entre la Russie, les États-Unis et l’ONU, a déclaré de son côté le vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, précisant qu'une telle rencontre pourrait avoir lieu en janvier.
Pour Oleg Kobtzeff, spécialiste de la Russie, la nouvelle position russe n'est pas une "diversion". "Moscou est dans un dilemme grave. Il peut choisir de soutenir son allié Damas pour ne pas perdre la face devant la communauté internationale. En même temps, il ne veut pas perdre le partenariat économique qui le lie à la Turquie [chef de file de l'opposition internationale au régime syrien, ndlr]. La Russie joue donc sur les deux tableaux en même temps", explique-t-il.
"Non catégorique" au maintien d'Assad jusqu’en 2014
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Toutefois, en dépit de l’apparente bonne volonté russe, ce ballet diplomatique continue de butter sur l’épineuse question d’une transition politique dans le pays. Pour la principale plateforme de l’opposition syrienne, "les solutions politiques [pour sortir du conflit] doivent exclure ceux qui ont fait du mal au peuple syrien". Les opposants syriens insistent donc sur une mise à l’écart du président syrien comme préalable à la formation d’un gouvernement de transition et la tenue d’élections libres.
"Nous opposons un non catégorique au maintien temporaire de Bachar al-Assad au pouvoir. Assad et son entourage doivent être hors-jeu, c’est une ligne infranchissable, une condition non négociable", a déclaré Monzir Makhous.
Une position ferme qui embarrasse Lakhdar Brahimi, lequel ne s’est pas jamais clairement exprimé sur le sujet. L’émissaire international a toujours plaidé pour la formation d'un gouvernement de transition ayant les pleins pouvoirs, jusqu'à la tenue d'élections présidentielle ou parlementaires mais sans jamais préciser quel serait le sort de Bachar al-Assad.
"Les Syriens réclament un changement réel et tout le monde comprend ce que cela veut dire", a-t-il simplement affirmé, sans donner de précisions sur le rôle que pourrait jouer le chef du régime syrien dans de telles circonstances. Brahimi a cependant démenti l’existence d'un accord avec Washington sur un éventuel maintien d'Assad jusqu'à la fin de son mandat en 2014.