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Chronique de fin du monde : le 21/12/12 ou la "médiapocalypse" à Bugarach

On y est. Nous sommes le 21 décembre 2012 dans la ville de l'Aude, qui devrait, d'un instant à l'autre, être sauvée des dieux, des extra-terrestres et autres "christs cosmiques". En attendant, l’ambiance frise parfois l’hystérie collective.

Pas besoin de le préciser : à Bugarach, en ce vendredi de fin du monde, on se croirait "dans le plus gros plan foireux de l’histoire du plan foireux". L’expression de André, un Bugarachois d’une soixantaine d’années, perché en haut de sa fenêtre – et qui accueille les journalistes avec un élégant bras d’honneur, résume parfaitement l’ambiance. Les dizaines de caméras ont laissé place à des cinquantaines de caméras, filmant tout et n’importe quoi : le chien du voisin de André, ou le chat noir de la voisine du voisin d'André.

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"Pas de soucoupe volante" à Bugarach
Chronique de fin du monde : le 21/12/12 ou la "médiapocalypse" à Bugarach

Et pour ne rien arranger, il pleut. Les places au chaud dans les deux seules guinguettes de Bugarach sont prises d'assaut par les médias. Pour les autres journalistes, il faudra travailler, sur une table en bois, dehors, sous une bâche, et dans la boue – c’est notre cas. En prime, on récolte les joies de la promiscuité, entassés les uns sur les autres, à s'échanger des : "Tu peux me faire une petite place s'il te plaît", dans environ 12 langues différentes. "C’est définitivement un cirque inacceptable" glisse, hilare, Pierre, un journaliste d’un magazine people français – dont il préfère taire le nom -, attablé à mes côtés.

Sans compter qu’en dehors de ces conditions de travail sympathiques – a-t-on précisé que le Wifi n’existe pas à Bugarach ? -, trouver un sujet, le jour J, qui n’a pas déjà été exploité des centaines de fois est une véritable gageure. "J’ai des photos de chevaux, vous les voulez ?" ajoute Pierre à mon intention. C’est dire le manque d’inspiration.

Il faut dire qu’à l’horizon, pas un seul illuminé, pas un seul groupe de hippies tentant l’escalade du Pic en dépit de l’importante surveillance policière. Alors certains journalistes, au bout du rouleau, en viennent à envisager des sujets incompréhensibles. Extrait. "Y’a NBC qui a chopé un mec là-bas, je vais aller voir". "Mais c’est qui ?" "Je sais pas mais on dit qu’il pourrait faire un truc aujourd’hui." "Ah oui, quoi ?" "Ben, je ne sais pas". On sent la panique éditoriale.

Seules les télévisions asiatiques trouvent leur compte dans ce "médiapocalypse". Croisés à chaque coin de rue, ils semblent constamment inspirés, enchaînant duplex sur duplex, et répétant le visage souriant : "It’s amazing ! Amazing !" - Qu'est ce qui peut autant les mettre en joie? On ne sait toujours pas!

Reste qu’en attendant que "quelque chose arrive quelque part" à Bugarach, les équipes de rédactions internationales sympathisent, rient beaucoup de la situation, et échangent numéros et contacts. On se croise, se recroise, on se salue, se resalue dans les cinq rues du village. "C’est bizarre, ma mère m’a dit que vous étiez tous des abrutis, moi je vous trouve hyper sympas", me glisse gentiment une fillette bugarachoise de 12 ans, croisée devant chez elle. Il est vrai, que des amitiés se créent. Peut-être même des grandes histoires d’amour. Valérie, une Irlandaise "en quête de spiritualité", a croisé le chemin mercredi d’un journaliste vénézuélien. "Ça a fait tilt", ont-ils confié. Et pourquoi toujours parler de destin ? "C’est sans aucun doute les forces cosmiques du lieu", s'amuse-t-elle avant d’ajouter discrètement - en vérifiant que son compagnon s’éloigne : "Pour vous, aujourd'hui c’est la fin du monde, pour moi, le début du mien". "Amazing" Bugarach !